03/05/2008
COEUR
Suffit d'une bougie
Pour éclairer le monde
Autour duquel ta vie
Fait sourdement ta ronde,
Coeur lent qui t'accoutumes
Et tu ne sais à quoi,
Coeur grave qui résumes
Dans le plus sûr de toi
Des terres sans feuillage,
Des routes sans chevaux,
Un vaisseau sans visages
Et des vagues sans eaux.
Mais des milliers d'enfants
Sur la place s'élancent
En poussant de tels cris
De leurs frêles poitrines
Qu'un homme à barbe noire
- De quel monde venu ? -
D'un seul geste les chasse
Jusqu'au fond de la nue.
Alors de nouveau, seul,
Dans la chair tu tâtonnes,
Coeur plus près du linceul,
Coeur de grande personne.
Jules Supervielle, Gravitations, NRF Poésie/Gallimard, 1994, p. 150-151
11:57 Publié dans La poésie des autres
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