24/11/2008
SOUS LE CIEL DE NOUS
Sophie G. Lucas tient la chronique d’un couple. Beaucoup de silences, et une écriture sans majuscules ni ponctuation : bonnets de laine / gants tricotés main / faisons buée sur les carreaux / reprendre de l’index le paysage / de quoi / blanc / aller loin. La narratrice s’efface derrière le tu et le nous, entre chagrin et cauchemars ; un lait chaud / tu pour nous deux / le bruit de la cuillère dans la casserole / et le vent dans les arbres. Son univers semble restreint par un voile de tristesse ; à trop de chagrin s’inventer / d’autres vies / juin tu ne vois donc pas la neige (hein) / bleue dans notre jardin. Voile qui semble susciter une incompréhension mutuelle, entre je plie plusieurs fois / mon gros doigt de pied / sur un bouton d’or / jusqu’à ce que l’os craque / l’écrase / toi haussant les épaules et je regarde tes mots / tes dents / et je me fiche / bien de la révolte / qui dedans. Il y a le jardin que l’on cultive – jardin zen / dans la purée cendrillon / (pommes-de-terre potimarron) –, comme un espoir de renaissance : tu te figures / que longtemps encore / je tiendrai / (col roulé corps plein de laine / cheveux de batailles cernes / cendrier plein) / et je tiens. Je tiens, grâce à toi, pourrait-on dire, car sous le ciel de nous, […] je ne vois que / ton dos sous le soleil / tes mots qui partent / dans la terre / ma fumée de cigarette / s’égarant / vers le ciel découvert / lente.
Sophie G. Lucas, Sous le ciel de nous, Contre-allées, 2007
(chronique parue dans Verso n°133, juin 2008)
00:20 Publié dans Chroniques
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