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31/07/2008

RADIATIONS

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Effervescence des rues, visages frappés de cécité, regards irradiants d’on ne sait quelle calcination intérieure, diamant de l’âme explosant dans un corps marqué, tendu, visage saillant ; foule hétéroclite, foisonnement de vies qui se croisent, s’entremêlent en un maelström de sillages ; misère palpable sur les trottoirs où gisent des silhouettes noircies, piétinées d’indifférence, extérieures à tout, plomb, bitume, écrasement ; l’art rejoint la vie, la vie rejoint l’art, une fantasmagorie, un éblouissement, une multitude, un magma. Deux miroirs se reflétant mutuellement, soleil des projecteurs, cartons et couvertures, radiations.

 

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16:05 Publié dans La poésie des autres

29/07/2008

LA NUIT ME PARLE DE TOI

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La nuit me parle de toi

 

elle ne me donne pas de rêves

 

pleins de femmes transparentes

 

mais elle m’apporte ton image

 

afin que ton absence

 

ne m’étrangle pas tout à fait.

 

 

Elle voit avec scandale

 

que je n’ai pas ton corps entre mes bras

 

et elle allonge près de moi

 

le fantôme de ta peau.

 

 

[…]

 

 

Je t’ai prise avec le gant

 

des mots de la plus douce soie

 

afin que tu ne discernes pas

 

le poids de l’ombre de ma main

 

la première fois qu’elle t’a touchée

 

mais mon sang est en elle

 

qui dissout l’approche du tien.

 

 

[…]

 

 

Je n’ai pas à t’aimer

 

je regarde et je brûle

 

un million de soleils tomberaient à la cendre

 

si tu venais soudain.

 

 

Je ne vois rien

 

je ne sais plus

 

si tu ôtes mes yeux

 

ou si tu les emplis.

 

 

 

Alain Borne, La nuit me parle de toi, trident neuf éd., 2006

 

15:16 Publié dans La poésie des autres

25/07/2008

JE CHERCHE...

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Je cherche la douceur enveloppée de linge

 

humide encore du bain de lessive

 

 

Le soleil n’était plus visible

 

dans l’éblouissement de la pluie

 

 

Ce soir le ciel est sans lune seules quelques étoiles

 

 

Le silence semble laver le travail des jours

 

 

La patience des ongles blancs démêlant les reflets

 

 

De la porte où commence l’autre rive

 

 

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Lodève, Juillet 2008

12:37 Publié dans La poésie des autres

21/07/2008

TOMBOUCTOU LIVRE ET SABLE

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Tu étais l’inaccessible

 

la ville aux trois cent trente-trois saints

 

aux sept portes d’or

 

fermée à l’étranger

 

 

la rigoriste la rebutante

 

 

 

tu cachais ton patrimoine de manuscrits

 

le laissais se détériorer

 

les vendais les dispersais

 

 

 

Ô que d’outrages à tes Lumières

 

 

 

Ô vestiges de ta splendeur

 

du temps des Askia

 

quand on accourait

 

du Nord et de l’Est

 

pour recevoir l’enseignement

 

d’Ahmed Baba

 

 

 

Michel et Geneviève Vidal, Tombouctou : livre et sable, Jacques André éd., 2006, p. 9

 

 

Voyage effectué en janvier 2006. Michel Vidal : photographies, Geneviève Vidal : poème.

 

 

11:00 Publié dans La poésie des autres

17/07/2008

LE SOLDAT MORT

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Je fais et défais le soir, la nuit distribue ses spectres, et de ma fenêtre voilée je me rêve descendant les jardins de la vieille église, je me situe régnant sur les pierres, je suis le soldat mort.

 

Olivier Deschizeaux, Le soldat mort, Rougerie, 2007, p. 9

 

Olivier Deschizeaux est un jeune poète lyonnais. Je l’avais rencontré très brièvement il y a quelques années, au moment de la sortie de son premier recueil de poèmes, La chambre close. Sa poésie porte le sceau de la nuit, du corps marqué au fer rouge, de la mort aussi, dans un univers familier, la ville, qui pourtant se transfigure par le biais du fantastique, du rêve. Le soldat mort est un recueil fort dans lequel l’auteur explore les tréfonds de l’obscur.

 

16:05 Publié dans La poésie des autres

15/07/2008

ÉCHELLES

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J’ai perdu mes repères et je ne me suis pas perdue. J’ai noué des foulards les uns aux autres, un de chaque couleur, et je me suis jetée dans le vide, depuis la fenêtre du sixième donnant sur la cour intérieure. J’ai atterri souplement sur le quai de la gare désertée en cette période estivale, une grosse berline gris métallisé paradait devant les voies du départ, aucun train n’est venu, mais je n’étais pas là pour ça. Je me suis souvenue que j’avais le droit d’exister, après tout, et je me suis demandé jusqu’où l’on pouvait se permettre d’être soi-même sans aller à l’encontre de l’autre, s’il y avait finalement des règles à respecter pour ne pas être plaqué par la glu du rejet, scotché comme un sparadrap contre le mur. Ce matin, j’ai décidé d’expérimenter et ça s’est mal passé. Je suis partie sans un adieu, j’ai pris la route. À pied.

15:00 Publié dans La poésie des autres

14/07/2008

IL N’EST PAS ÉTOILE

Il n’est pas étoile

 

ni inspiration prophétique

 

ni visage prosterné devant la lune

 

 

Le voici qui vient comme une lance païenne

 

dévastant la terre des lettres

 

répandant son sang

 

élevant vers le soleil ses blessures

 

 

Voyez-le revêtant la nudité des pierres

 

adressant sa prière aux cavernes

 

 

Voyez-le étreindre la terre légère

 

 

 

   
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J’adore cette pierre paisible

 

J’y ai vu mon visage dans ses veinures

 

J’y ai vu ma poésie perdue

 

 

 

Adonis, Chants de Mihyar le Damascène, Poésie/Gallimard, p. 42 et 63

 

20:25 Publié dans La poésie des autres

12/07/2008

NEPTUNE MAMBO

Neptune Mambo est à la fois un cri et un chant. Les textes qui le composent sont habités par le souffle de la passion et l’ardeur de vivre. Thierry Renard est un poète de l’amour fou qui met son cœur à nu : Maintenant j’écris et je crie ton nom partout / J’écris surtout de toi sur toi pour toi / J’écris enfin pour vivre / Pour ne pas mourir / Ne jamais renoncer. Comment sortir indemne d’une telle lecture ? Il y avait tes yeux bleus / Et l’éclairante beauté de son sourire / Nous nous étions toi et moi / Perdus de vue durant plusieurs heures / Je ne savais même plus sereinement te regarder / Je ne voyais que le feu / Qui peu à peu se consume en chacun d’entre nous / Qui violemment devient flamme / Là où naissent tous les incendies. La poésie est ici un combustible, avec la révolte – c’est dans l’adversité que l’on se révèle que l’on se réveille, et l’amour. Les textes ont été écrits pour être lus, et la forte présence de l’oralité leur confère une puissance, une proximité, ainsi qu’un côté immédiat. Leur poétique est celle de l’emphase, de la répétition : L’art de la répétition est un art bien singulier / Car moi si j’écris c’est pour tout dire / À voix haute / Pour tout dire et son contraire. Même si Rien n’est exact rien n’est parfait, même si Vivre est tout le temps paradoxal / Au plein bonheur toujours succèdent / Les pires peines, ce qui compte, sans doute, c’est le présent, à vivre intensément : Et laissons l’instant durer / Et laissons l’instant durer / ET LAISSONS L’INSTANT DURER .

Thierry Renard, Neptune Mambo, Éditions Bérénice, 2006

Chronique parue dans la revue Verso n°127 : La lumière ou l’art de la chute, déc. 2006

 

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RIEN N’EST EXACT RIEN N’EST PARFAIT

 

Rien n’a de sens

Ou n’est exact

Tout est divers

Le feu dans l’âtre crépite

Le feu dans l’âtre siffle

Je le regarde me consumer

Vivre est tout le temps paradoxal

Au plein bonheur toujours succèdent

Les pires peines

[...] p. 69

 

01:25 Publié dans Chroniques

08/07/2008

NOUS VOUDRIONS

Nous voudrions emplir nos besaces de coques de châtaignes d’écorces de noix de mûres nos bras griffés noirs des vendanges les grains éclatant au fond de la cuve la fraîcheur des celliers quand dehors le raisin se désagrège encore de mûrir le vin aura la couleur d’une belle feuille d’automne chaude des derniers rayons nous marcherons à l’ombre des tilleuls chuchotant de peur de troubler la quiétude cet instant privilégié même les murs semblent pensifs nous oublierons nos petits tracas grands comme des maisons grandissant à l’intérieur de nous si faibles que nous sommes de les tenir à distance parce que c’est toujours nous le bleu marquant nos bras le violet sur la pommette c’est toujours nous quand l’autre est l’étranger celui que nous ne percevons pas nous avons mis des barrières entre nous afin que chaque souffrance reste intacte à l’intérieur de soi et ne coexiste pas avec celle de l’autre afin que le monde soit une nuée de petites bulles de souffrances détachées les unes des autres et qu’enfin en un essaim les moucherons s’élèvent dans la forêt alors que la fraîcheur tombe

08:10 Publié dans La poésie des autres

06/07/2008

LA COURBE DOUCE DE LA GRENADE

Dans ces pages, Anne-Lise Blanchard évoque des vies quotidiennes où le bonheur fragile côtoie le désastre, celui lié à la perte irrémédiable d’une terre qui a marqué à jamais ceux qui l’ont quittée, dans l’exil : l’Algérie. Nul ne peut imaginer le poids de larmes et de mort supporté par ces milliers de personnes que l’Histoire a condamnées à s’arracher à leurs racines pour rejoindre une terre étrangère appelée France, que d’aucuns ne connaissent alors que de nom. La petite fille de cinq ans se souvient, mais beaucoup plus tard. De l’avant, puis de l’après. Souvenirs d’enfance, du square, des sandales blanches, de la petite chambre pleine et chaude à l’intérieur de soi, quand le beignet est achevé. La famille aussi, et puis ceux que l’on n’a pas vraiment connus, mais dont on a entendu parler, plus tard, bien plus tard. Il y a Claude, ses vingt-hui ans innocents, c’est Pâques, et c’est la première fois depuis qu’il quitte cette bourgade heureuse au nom prédestiné qu’il retourne chez lui, dans la grande ville blanche qui s’élève au-dessus de la mer. Il ne sait pas ce qu’est la guerre. Il découvre les impacts de balles sur les murs, le trépignement des armes, les sirènes, les cris. Il vient retrouver Nicolette, qu’il connaît depuis si longtemps. Nicolette, qu’il ne reverra pas, car elle fait partie des victimes de la radio. Il y a le voyage des anges de ceux qui n’ont pas supporté de rester en vie. Il y a la mémoire du poisson frais ou bien grillé au feu de bois, du vin encore vert, à laquelle se superposent, nuages qui passent, celles du jasmin en treille et des beignets de capucines. Il y a Nedjma et ses tresses épaisses. Et puis, quelque part entre terre grise et ciel gris, il y a Anna, revenue sur les pas de son enfance, celle d’après la séparation. Anna, qui ravale son haut-le-cœur, ou son sanglot, elle ne saura pas. Son regard sur la ligne d’horizon sous le coucher de soleil n’a plus la courbe douce de la grenade.

 

Anne-Lise Blanchard, La courbe douce de la grenade, Cahiers bleus / Librairie bleue, 2006

 

(Verso n°130)

12:00 Publié dans Chroniques