31/05/2008
SOIT
Soit, rester en deçà
Comme feuille
De ci, delà,
Soit, habiter la faille
Prolongeant l'incertitude
Soit, vibrer d'émotion
Sous apparat de silence
Soit, s'inventer une vie
Se mouvant dans la prescience
Soit, accepter d'être chair d'absence
D'être détachée Sans expérience
De ne vivre que Par résonance
De s'effacer Dans la vacance
Échos, Encres vives, Collection Encres Blanches n°232, 2006
20:17 Publié dans La poésie des autres
CETTE PRÉSENCE
Le temps change.
Panier de cerises
la lumière s'assombrit
enfin
un éclat radieux.
Une poignée de porte
un entrebâillement
c'est là, dans
cette place vacante
nous ne l'avions pas vue
cette présence.
16:55 Publié dans La poésie des autres
ODE SUR LA MÉLANCOLIE
Elle est où demeure la Beauté, la Beauté qui doit mourir ;
Avec la Joie aussi, dont la main se porte aux lèvres
En un éternel adieu ; elle est proche du plaisir lancinant
Qui se change en poison le temps que la bouche, cette abeille, aspire le nectar :
Oui, au temple même de la Félicité,
La Mélancolie voilée a son sanctuaire souverain,
Visible toutefois seulement à qui, d'une langue puissante,
Sait faire éclater sur son fin palais les raisins de la Joie ;
Son âme amèrement goûtera le pouvoir de la déesse,
Et parmi les nuageux trophées sa dépouille sera suspendue.
Keats, Poèmes choisis, éd. bilingue, Aubier-Flammarion, 1968, p. 301
Souvenirs...
13:01 Publié dans La poésie des autres
30/05/2008
L'HÉCATOMBE DES ORMES
Le sang des baies noires des sureaux
une fois peignées dans la haie, récoltées
dans le panier aux pailles calfeutrées de papier journal
à la page des faits divers et crimes,
la page aussi des accouchements aux placentas roses,
le sang des baies dirigées vers le sud
saisit le visage du cueilleur comme
le faisait une bille d'enfant autrefois,
comme c'est encore le cas sur les perles des couronnes
que peignit Van Eyck.
Le sang des mûres sur ta bouche, mon Jeune Homme,
à l'époque très lointaine où
comptaient les soleils les miels
et les odeurs de l'herbe endormie,
le sang dans ma poche
comme s'il y pleuvait des flots, des tiges
de sang en verre fragile de sang d'oiseau,
de sang volant glissant sur l'air,
de sang dans le creux de la main
que l'on boit pour mourir,
et dans ce vent, partout dans ce vent
comme nous prendrions un bain chaud d'oubli.
Jean-Louis Rambour, L'hécatombe des ormes, Éditions Jacques Brémond, 2005, p. 32
22:05 Publié dans La poésie des autres
CE PEU DE RIEN
Ce peu de rien
au creux du monde
Hamac aux filets vides
Pour enserrer quel présent
La fleur de corail
agrippée aux parois
de l'estomac
Tout est rugueux sur la pierre
sédiments
de coquilles
la main s'écorche en vain
aux accrocs du silence
13:07 Publié dans La poésie des autres
LES ÉCAILLES DU PAS
Les écailles du pas, dans la barque / pleine du filet des douleurs, ce sont celles de l'enfance. Une enfance qui pèse lourd son fardeau de fêlures. Si ce n'était le cri de l'arbre / sans cesse jeté, / je me dirais enfant de terre / à l'horizon de mes poussières / là où le pas se couche / pour ne plus se lever. Les pas détricotent le monde en camisole. Je marche à l'envers de moi. Et, sur la peau, la longue longe / des désirs tatoués, [...] avides de mordre / jusqu'à l'os de la vie. Dans le silence et l'absence, veille une image, celle du voile / de Véronique, que la jeune femme choisit de suivre, un temps, pour retrouver le goût du miel, l'odeur de l'espérance. Il y a la nuit, où rien n'est encore dit, le pétrin de l'âme, dans la cendre. Il y a le matin qui ne se lève pas, et, dans l'obscurité, le travail de la terre des jours. Au milieu des tâtonnements, le long du couloir sombre, une étincelle, pourtant. En creux, / dans l'entre-deux, / articuler : / peut-être... Alors, la pluie / remonte le temps. Le temps, dont les battements cinglent le visage de ces mots / qui hissent la nuit / à hauteur d'aube, pour laisser émerger l'écriture / de l'endroit. La mort, comme un déclic. À nous foudroyer le coeur, / la mort de l'autre / traverse de vie / nos marécages. Dans la lente saveur du monde, enfin, le matin s'humecte les lèvres, / arrondit son jour / sous le plat de la main. Une pomme au creux / du compotier. / [...] ma peur déposée. / Et les dents du rire / qui remettent à sa place / le drame de vivre.
Isabelle Poncet-Rimaud, Les écailles du pas, Editinter, 2006
Chronique parue dans Verso n°131 (déc. 2007)
11:05 Publié dans Chroniques
27/05/2008
NOS MÉMOIRES ENFOUIES
je revois les lumières
se reflétant dans l’eau
les étoiles la pleine lune
les tessons de bouteille
ont donné de jolis galets
couleur émeraude
aujourd’hui le corail
est d’une beauté à couper le souffle
les Bernard l’Hermite font la course
avec nos masques et tubas
nous plongeons dans la lagune
à la poursuite
de cette faune multicolore
nos palmes ondulent
la transparence s’atténue
nous nous enfonçons dans les profondeurs
attirés par le chuchotement
de nos mémoires enfouies
19:31 Publié dans La poésie des autres
GOÉLAND
D'aurore en aurore
Le goéland s'élance
Frôle l'eau de ses ailes
À chaque recommencement
Il trempe ses plumes
Dans l'aube écarlate
Agrippe de son bec
Les cordelettes terrestres
Et les tire derrière lui
Dans la prescience céleste
Il les emporte au loin
Leurs crochets se balançant
Il les offre au soleil
Et s'éloigne, se retournant,
De temps à autre jetant
Un dernier regard sur
Le brasier incendié.
in La Licorne d'Hannibal n°14 (janvier 2007)
13:05 Publié dans La poésie des autres
26/05/2008
PASSAGE DES SQUALES
En apnée
seul
le ruissellement
du jour
Autant d'éclats
de verre
joues lacérées
tes yeux
que bride
le
passage
des squales
22:00 Publié dans La poésie des autres
ÉMOTION
cet état
– une grâce –
serait un vol suspendu
à mesure d’homme
fil sur la densité de l’air
– une teneur indéfinissable –
eau dans un récipient
transparence
équilibre
justesse parfaite
mon émotion
21:50 Publié dans La poésie des autres