26/10/2014
JOURS ET AJOURS
Avec la clarté grise de la fenêtre, vient le jour, ce silence étale, le lever et la tache blanche, brillante sur ton bras qui fait peau être à nouveau et coeur et pupille.
L'eau calme du jour.
*
Très grand calme sur ce jour où n'a pointé le soleil que tardivement dans la matinée.
Calme et grand silence.
Oeil neuf aussi, retour à l'amour simple.
Un jour qui fait suite à la mue, au dégagement de la gangue.
Je suis papillon sur l'arête veloutée de ma vie.
Georges Chich, Jours et ajours suivis de autres poèmes. Jacques André éditeur, 2014
16:10 Publié dans La poésie des autres
11/07/2014
D'ÊTRE LE COEUR OUVERT
d'être le coeur ouvert
comme un bleuet
des mains étirent la chair
champs de coquelicots
vieilles pierres
forment une césure
la gorge rétrécit.
*
partir fuir
à l'ombre
des châtaigniers
dialoguer avec les pierres
tenir à distance les meutes
aux abois
visages déchirés qui se superposent
forment des taches sombres.
*
où est l'amour
les corps se heurtent
dans la pupille des chats
je vois la clarté jaune
du soleil la tendresse
du pain.
Extraits publiés dans Saraswati n°13 (mai 2014)
10:57 Publié dans La poésie des autres
28/06/2014
QUI SOUS LE BLANC SE TAIT
plus dense que tu ne crois
la pierre porte la brûlure
vers le lieu exact touchant l'étoffe
non pas vers un point rouge tendu
par-dessus la faille
mais dans l'indéchiffrable
à l'arrière des yeux
dans l'odeur naissante du soir
n'oublie pas que sous les paupières
il faut mordre la nuit
qui sous le blanc se tait
Erwann Rougé, qui sous le blanc se tait, Editions Potentille, 2013
11:38 Publié dans La poésie des autres
11/04/2014
NAVIGUER DANS LES MARGES
bourgeons bourgeonnant
fièrement portés par les branches
promesse de vert et d'ombre
de fleurs de fruits de musiques
bourgeons feuilles endormies
l'arbre prodigue écoute en lui
germer ses frissons de pensées.
*
l'inespérée
l'étoile qui tombe dans ta main
habillée de lumières
de rêves filés en août
et puis l'étoile se givre
jusqu'à Noël espéré.
Luce Guilbaud, Naviguer dans les marges, SOC & FOC, 2013
18:53 Publié dans La poésie des autres
31/01/2014
COMME J'AI BESOIN
Mon coeur ce sont les questions de l'enfant
Le lait du manque
Les miroirs du sang de l'oiseau
Un cimetière d'un pigeon domestique
Comment établir une trêve avec mon coeur
Comme ma chanson a besoin
de porter les plumes de l'âme
Comme mon épouse a besoin de se préparer
pour la braise de ma lèvre
et les feux de mes doigts
Et moi comme j'ai besoin
d'ouvrir
avec la lumière les fenêtres
de mon coeur pour la journée
Tarek Al Karmy, "Comme j'ai besoin" in Poésie de Palestine : anthologie rassemblée par Tahar Bekri, Al Manar, 2013
19:47 Publié dans La poésie des autres
01/01/2014
Stolons
Ne plus exister qu’à soi-même
Chercher l’indifférence à l’autre
Pour mieux résister… Mais à quoi ?
Faut-il s’exiler disparaître
Sans se lasser de n’être plus ?
Plus qu’un avers décoloré
À l’œil vitreux au souffle court ?
Non. L’enjeu est de faire face
Et d’avoir un regard-aimant
Seul et unique dénouement
Gérard Gâcon, Stolons. Jacques André éditeur, 2013
18:23 Publié dans La poésie des autres
29/06/2013
CETTE PARCELLE INÉPUISABLE
Bientôt crépiteront
des mots déconcertants
sur la laine de mes tapis
Des appels impatients
ébranleront toutes mes portes
Des colères violentes
mais courtes voleront
au jardin son silence
Bientôt l’enfant de ma maison
après son long sommeil
m’éveillera
Marie-Ange Sebasti, Cette parcelle inépuisable. Jacques André éditeur, 2013
13:44 Publié dans La poésie des autres
14/06/2013
PASSANT L'ÉTÉ
Ce soir les rires roulent sur la plage. On les entend tomber des gorges avant de s’évanouir. Ils ne ressortent pas mais leur écho traîne encore quelques secondes. Quelques secondes bien mûres pendant lesquelles la légèreté se répand sur les doigts. Quelques secondes trop juteuses. Quelques secondes que l’on dévore comme de petits matins sucrés. Et frais. Délicieusement fragiles.
La nuit est claire. Le feu crépite. La fumée nous pique les yeux. On est repu.
Jean-Baptiste Pedini, Passant l’été. Cheyne éditeur, 2012, p. 17
18:55 Publié dans La poésie des autres
26/05/2013
PLUS TARD, ENCORE
peu à peu le monde
est venu sur les lèvres
venu des mots du dedans
venu des mots du dehors
les lèvres sont
lisières
clairières
orée de la forêt des mots
peu à peu le monde
est venu
visage
et d’autres visages
(et le verbe embrasser
est revenu
du brasier du monde)
Michaël Glück, Plus tard, encore, pré # carré, décembre 2012
10:33 Publié dans La poésie des autres
21/04/2013
LE JASMIN, LA NEIGE, l'ENFANCE
J’ai seulement des choses très simples
le soleil s’est découpé peu à peu comme
ma mère découpait le pain
nous mettons la soupe sur la table
(ces choses au-dehors qui tombent lentement,
le jasmin, la neige, l’enfance)
goût de piments rouges et de dents heureuses
nos corps nous tiennent encore chaud quelque temps
dans l’âge avancé de la nuit.
Lorand Gaspar, Sol absolu, Poésie/Gallimard, 2001, p. 62
10:54 Publié dans La poésie des autres