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23/02/2010

IL Y A UN MYSTÈRE

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De toute façon

Le voyage sera court

Tu n’étais pas faite

Pour les déplacements abusifs

Chaque pas avait son poids

De néant.

 

*

 

Au commencement

Fut un jardin

En friche

Quelques poteaux

Délimitaient son aire

Tu faisais déjeuner

L’invisible

Faute de réel.

 

*

 

Il y a un mystère dans les couleurs,

Face au matin, à la mort,

La lagune est d’un bleu de soie

Que les mouettes épousent doucement.

Dans la lente dérive vers les cyprès,

Les couleurs sont les passerelles secrètes,

Où va et vient le regard,

Dans son habitation d’ici.

 

 

Heather Dohollau, Seule enfance, Solaire, 1978

 

21:32 Publié dans La poésie des autres

05/02/2010

CE QUI MURMURE DE LOIN

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Qui écoute le pour et le peu

Ouvre la fenêtre au cœur des choses

Terrain vague allié à l’océan

Aussi lumière de l’oubli

 

*

 

Chaque expérience qui vient

Est une fleur obscure

Passage au point d’incertitude

Entre syncope et décisif éclair

 

 

André Velter, Ce qui murmure de loin, Fata Morgana, 1985

20:00 Publié dans La poésie des autres

22/01/2010

LES YEUX SANS MESURE

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     L’homme ouvre les yeux et il traverse le ciel. Sa peau sous son front se soulève et recouvre le vide qui l’entoure. Comme si sa peau pouvait s’étirer si loin qu’elle en devenait transparente.

    

     L’homme ouvre les yeux à la lumière et sa peau elle-même en devient voyante. Il voit par tous ses pores, par les plus infimes trous. Son corps n’est plus à sa taille réelle, il n’est plus d’une seule taille. Il voit et il est de toutes les tailles, il peut passer partout, de l’ouverture la plus infime à la plus infinie. Ses yeux qui se sont ouverts ont tout ouvert, ses paupières qui se sont soulevées l’ont soulevé de terre.

 

     L’homme voit et il recouvre le vide qui l’entoure, il lui donne des contours, il trace dans le ciel une infinité de lignes d’horizon jusqu’où il fait voler son corps.

  

Jean-Luc Parant, Les yeux sans mesure, Fata Morgana, 2007, p. 41

13:50 Publié dans La poésie des autres

07/01/2010

NUITS ET NEIGES

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Des voix de neige tournoient dans la nuit

le même enfant regarde le silence

danser pour ceux qu’étonne d’être là –

 

éclats de joie dans l’incompréhensible –

 

 

 

 

Neigez ô neiges, neigez, neigez

pattes de velours, cristaux impensés

neigez silence, neigez idées,

clartés sans mot écloses sur les lèvres

 

flocons, pétales, duvets

d’une pensée indivise

neigez drus dans nos ténèbres

îles de battements blancs –

 

 

Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes, Poésie/Gallimard, 2004, p. 175

14:53 Publié dans La poésie des autres

18/12/2009

LES RUINES DU CIEL

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     Le soleil est le grand maître. J’ai vu ce matin un de ses chefs-d’œuvre – une bouteille vide sur la pente herbeuse devant la gare. Il y avait dans cette scène une vie explosive et des verts admirables. La lumière sainte partout vibrait, du brin d’herbe au goulot vert émeraude et à l’étiquette blanc et or tournée vers le ciel illettré.

 

     J’essaie avec des mots de peindre cette lumière qui vient d’entrer par la fenêtre et s’est plantée dans la peau rosée de la poire. Je n’y arrive pas et cet échec n’est pas sans gaieté – comme de perdre au jeu contre un ami.

 

 

Christian Bobin, Les ruines du ciel, nfr/Gallimard, 2009, p. 130

13:37 Publié dans La poésie des autres

03/12/2009

UNE SAISON DE NEIGE AVEC THÉ

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Voici la biche bleuissant

penchée sur tes sommeils d’hiver

là où il fait sombre

comme un œil protégé

par la main du silence

regarde le charroi du temps

C’est une saison de neige et de lumière

tu dresses un corps qui te ressemble

sur la pierre de blancheur

dans la hanche sacrificielle

Tu veux.

 

Dans tes doigts le thé

ramène l’eau des rives

ritualise le monde

rassure la béance

Tu bois le thé

et la neige

sur le beau sein du vide

retourne la parole

 

 

Claudine Bohi, Une saison de neige avec thé, Le dé bleu / L’idée bleue, 2004, p. 40

01:28 Publié dans La poésie des autres

13/11/2009

LE CHANT

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     Le chant

     Comme une prière

     De l’horizon.

 

     *

 

     Un chant peut s’éteindre

     Comme un arbre s’éteint,

 

     Mais le chant continue

     Comme dure la forêt.

 

     *

 

     Dans le soleil

     Le chant

     Incorpore de la nuit.

 

 

Guillevic, Art poétique, précédé de Paroi et suivi de Le Chant, Poésie/Gallimard, 2005, p. 341, 342, 357

13:04 Publié dans La poésie des autres

30/10/2009

EXIL

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Étoile de l’aube, quand tu baissais les yeux

Nos heures étaient plus douces que l’huile

Sur la plaie, plus légères que l’eau fraîche

Au palais, plus placides que le duvet du cygne.

Tu tenais notre vie dans ta paume.

Après le pain amer de l’exil,

Si nous demeurons la nuit devant le mur blanc

Ta voix nous parvient comme l’espoir d’une flamme ;

Et ce vent de nouveau

Aiguise sa lame sur nos nerfs.

 

 

Georges Séféris, Poèmes 1933-1955, Poésie/Gallimard, 2009, p. 27

16:04 Publié dans La poésie des autres

18/10/2009

ÉLOGE DE LA MOUETTE ROSÉE

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     La mouette ivoire est belle et c’est l’un des oiseaux les plus coriaces du monde. Elle ne vit pas dans une tour d’ivoire. À moins que, pour vous, les portes infernales de l’Arctique ne soient une tour d’ivoire.

 

    Il y a aussi la mouette rieuse. Oh, comme elle rit. C’est la folle criarde des mers. Elle niche dans le crâne d’un fantôme.

 

    Mais la mouette rosée, elle, est au-delà de toute parole humaine. Elle a la tête et la poitrine blanches, doucement teintées de rose, et c’est l’un des oiseaux mystiques du monde. Rares, très rares sont les ornithologues qui l’ont aperçue vivante.

 

    J’aime toutes les mouettes, mais la mouette rosée est celle qui m’habite à jamais. Parfois, quand ma voix s’élève, ample et claire, je la vois. J’aimerais que d’autres la voient aussi. Certains refusent carrément de croire qu’elle existe.

 

 

Kenneth White, Un monde ouvert, Poésie/Gallimard, 2007, p. 119

10:03 Publié dans La poésie des autres

06/10/2009

PENARTH BEACH

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ces enfants là-bas qui jouent

sous les yeux de leur mère

et cherchent dans les galets celui

qui portera signe : le talisman rompu

dont la blessure respire

et gardera l’ouvert pendant l’écart d’une vie

 

ils sont à la fracture du jour

où la lumière veille     la mer a ses marques

qui ont douceur de seuil et l’entrée est là

où l’amour se tient

dans la brillance de l’air

en cet aujourd’hui

 

 

Heather Dohollau, Une suite de matins, Folle avoine, 2005, p. 11

16:26 Publié dans La poésie des autres