30/07/2010
HYDRA
Dauphins, drapeaux, coups de canons.
La mer, si rude jadis à ton âme
Portait les navires multicolores, étincelants.
Se creusant, les balançant, toute bleue avec des ailes blanches.
La mer si rude jadis à ton âme
Et maintenant pleine de couleurs sous le soleil.
Voiles blanches, lumière, et les rames humides
Frappant comme sur un tambour une vague apaisée.
Georges Séféris, Poèmes 1933-1955, Poésie/Gallimard, 2009, p. 32
14:33 Publié dans La poésie des autres
16/07/2010
PREMIÈREMENT
Je te l’ai dit pour les nuages
Je te l’ai dit pour l’arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l’ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
Paul Éluard, J’ai un visage pour être aimé : choix de poèmes 1914-1951, 2009, p. 103
13:43 Publié dans La poésie des autres
01/07/2010
JARDIN DUNE
12:19 Publié dans La poésie des autres
21/06/2010
WUTHERING HEIGHTS
The horizons ring me like faggots,
Tilted and disparate, and always unstable.
Touched by a match, they might warm me,
And their fine lines singe
The air to orange
Before the distances they pin evaporate,
Weighting the pale sky with a solider colour.
But they only dissolve and dissolve
Like a series of promises, as I step forward.
Les horizons m’encerclent comme des fagots
Qui penchent, disparates, et pour toujours instables.
Il suffirait d’une allumette pour qu’ils me réchauffent
Et que leurs lignes fines
Rougissent l’air
Lestant le ciel pâle d’une couleur plus sûre,
Avant que les lointains qu’elles fixent ne s’évaporent.
Mais ils ne font que se dissoudre et se dissoudre
Comme une succession de promesses, à mesure que j’avance.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, Poésie/Gallimard, Édition bilingue, 2008, p. 30-31
07:39 Publié dans La poésie des autres
24/05/2010
À L'ORIENT DE TOUT
À l’orient de tout, là où se souvient
La mer, l’orage a dispersé écailles
Des dragons, carapaces des tortues
Nous nous prosternons vers le pur silence
Régnant par-delà la terre exilée
À l’heure du soir, à l’orient de tout
Où se lève le vent de l’unique mémoire
François Cheng, À l’orient de tout, Poésie/Gallimard, 2005, p. 290
21:09 Publié dans La poésie des autres
10/05/2010
SAUVE
je te porte
comme une peau
je te tiens
comme une joie
qui s’est perdue
tu me fais lourd
et tu me fais belle
tu me fais deux
Valérie Harkness, Sauve, Polder n°146, avril 2010
Sur ce sujet, voir aussi le blog d’Yves Artufel : http://grostextes.over-blog.com/
21:41 Publié dans La poésie des autres
10/04/2010
LE DEHORS ET LE DEDANS
n’est plus le père de la musique
depuis que la parole a fini d’avouer
qu’elle ne nous conduit qu’au silence
les gouttières pleurent
il fait noir et il pleut
Dans l’oubli des noms et des souvenirs
il reste quelque chose à dire
entre cette pluie et Celle qu’on attend
entre le sarcasme et le testament
entre les trois coups de l’horloge
et les deux battements du sang
Mais par où commencer
depuis que le midi du pré
refuse de dire pourquoi
nous ne comprenons la simplicité
que quand le cœur se brise
Nicolas Bouvier, Le dehors et le dedans, Points, 2007, p. 118-119
09:58 Publié dans La poésie des autres
26/03/2010
EXACTEMENT LÀ
Je est seul avec plein de nœuds en lui.
***
Ici Je n’en finit pas de panser ses plaies pense qu’il ne vaut pas même un bout de terre battu par les vents se dit qu’il ne doit pas penser ça mais ne peut pas faire autrement. Quand Je se regarde dans la glace maintenant ça occupe tout son esprit.
***
Je porte en lui tant de portes fermées claquées verrouillées au revoir merci pas le moment pas le temps pas maintenant. Ça en résonne encore dans ses oreilles.
***
Je voudrait ne plus se tromper autant si longtemps.
Jasmine Viguier, Exactement là, L’idée bleue, 2008, p. 48-51
20:05 Publié dans La poésie des autres
11/03/2010
LE SILENCE N'EST JAMAIS UN DÉSERT
La vie vient par vagues. C’est sans doute là la seule leçon de l’histoire. La joie vient par bloc tout comme le malheur ou les peines. Alors que le silence recouvre tout, depuis toujours. On a beau racler sous la terre, il n’en démord pas. On a beau marcher dans les ruines, c’est lui que l’on entend encore. Partout. Entre les herbes que l’été incendie. Entre les pierres que les vents déchirent. Il jette sur nous sa robe de neige, ses quatre saisons, ses litanies interminables. Il a foi en sa finitude.
Écrire, peut-être, est-ce une façon de vouloir en finir avec lui, de lui tordre le cou, de faire hurler les mots sur la page, de faire entrer le cri en leur chair car tel est leur destin, leur vocation. Car à quoi bon des mots d’où la vie serait absente, car à quoi bon des mots que nous nous contenterions d’enfermer dans nos livres, car à quoi bon des mots délivrés d’espérance ?
Joël Vernet, Le silence n’est jamais un désert, Lettres vives, 2000, p. 20
20:10 Publié dans La poésie des autres
01/03/2010
LA MAISON NATALE
Je m’éveillai, c’était la maison natale,
L’écume s’abattait sur le rocher,
Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague,
L’odeur de l’horizon de toutes parts,
Cendre, comme si les collines cachaient un feu
Qui ailleurs consumait un univers.
Je passai dans la véranda, la table était mise,
L’eau frappait les pieds de la table, le buffet.
Il fallait qu’elle entrât pourtant, la sans-visage
Que je savais qui secouait la porte
Du couloir, du côté de l’escalier sombre, mais en vain,
Si haute était déjà l’eau dans la salle.
Je tournais la poignée, qui résistait,
J’entendais presque les rumeurs de l’autre rive,
Ces rires des enfants dans l’herbe haute,
Ces jeux des autres, à jamais les autres, dans leur joie.
Yves Bonnefoy, Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2006, p. 83
22:13 Publié dans La poésie des autres