18/03/2013
PRINTEMPS
Aquarelle de Tanguy Dohollau
21:52 Publié dans La poésie des autres
09/03/2013
BLEU PROFOND
Rupture des chairs
Ici s’ancre un pays d’eau
Assouvie d’espace
Et j’aime le chant qui vient
Le long des jambes
A la rencontre
De la matière –
Entre les bras, une
Escapade
Un flot de lumière
Veilleuse de
Temps fragiles
*
Traverser le jour
En apnée
Se croire cormoran
Du haut de la falaise lancer sa vie
Au sein du noir
Se forger
Identité nouvelle
Les os craquent un peu
Il fait temps de saison
Je brûle de toi
Emmanuelle Le Cam, Bleu profond, Citadel Road Editions, 2007
19:03 Publié dans La poésie des autres
12/02/2013
NOUS NOUS ATTENDONS
Elle glissait du fauteuil pour aller par terre
Poussière à respirer, à moitié de la laine
À moitié des petites miettes
Un tapis pour s’imaginer la chaleur
Il s’allonge très fort à côté d’elle
Sur le flanc
Puis sur le dos
Comme s’il y avait des étoiles par-dessus
Sous la table, en attendant toujours
Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, Le Castor Astral, 2012, p. 67
13:33 Publié dans La poésie des autres
12/01/2013
LE HÉRISSON
Il y a un hérisson qui dort sous les iris
Ne le réveille pas mon amour
il a traversé des brouillards
et pointé son museau vers tous les nords de ma vie.
Sous la peau tremblée de son ventre
j'ai belle lurette caché un souvenir de nous :
nous nous étions pris entre nos bras souvent
mais il s'y trouvait quelque chose d'incertain
qu'il avait fallu recouvrir de silence.
Vienne une manière de paix sur notre éloignement
enfoui maintenant au coeur du hérisson
et qu'il le dorme et le taise et le protège
comme savent si bien le faire ces bêtes épineuses
et douces par en dessous.
Marie Huot, "La renouée", Contre-allées n°21-22, 2012, p. 20
10:20 Publié dans La poésie des autres
21/12/2012
VISAGE ET LUMIÈRE
Visage de verre et la lumière est prise dans l’épaisseur du grain. Il y a dans l’intérieur du corps heureux comme un jeu mouvement de mobile. On sait qu’il faut regarder, devenir.
Il pleut sur la terre et c’est comme sur un visage. Le bruit tendre heureux de la pluie est comme la conversation d’un regard sans brisure ni rythme de parole. Je me souviens ailleurs de la naissance et du maintien d’un chant religieux haut serré comme une pluie de fin d’été.
James Sacré, Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, Cadex éd., 2006, p. 38
15:59 Publié dans La poésie des autres
22/11/2012
LES YEUX DANS LA COULEUR
jour dans le jour naissant de soi
et se colorant à mesure
aérien pensif espacé
niant son épaisseur par sa lumière
le fond de l’œil est nu
un appelant au milieu du regard
crie vers l’apparition
histoire immobile
elle s’enfonce en nous
repoussant les images
même la mort s’en va
au loin suspendue un instant
nous ne regardons plus nous rencontrons
Bernard Noël, Les yeux dans la couleur, P.O.L., 2004, p. 109
23:32 Publié dans La poésie des autres
05/09/2012
PAS DE MOT POUR
Dans l’effroi du plaisir dissoute tu me demandes de te rassembler de ta chair ouverte s’écoule ta vie n’est plus contenue mes griffes ont ouvert ta carcasse d’être je reviens comme toi dans l’œil encore ton éclair carnassier pur regard de bête étrangère à toute intelligence nous revenons encore blessés de cette chute tu me dis tu n’as pas le droit mais j’étais au-delà.
***
Peut-être fallait-il l’immédiateté de la jeunesse perdue, son feuillage défait, la chair se désincarnant, se désaccordant de la voix, pour comprendre que la voix ne fut jamais dans le corps, et discerner la raison des butées désespérées que l’on a connues : il y avait erreur, non sur la personne, on comprend enfin qu’il n’y a personne.
Mathias Lair, Pas de mot pour, Éclats d’encre, 2011, p. 32-33
22:43 Publié dans La poésie des autres
01/08/2012
SACRE
Enduis-moi
de sueur
de parfum
de couleur
de baisers
Fais-moi vivre
Exister
*
L’âme ira
se poser
par surcroît
par amour
Un oiseau
viendra pour
m’habiter
Michel Dunand, Sacre, Jacques André Éditeur, 2011, p. 36
18:28 Publié dans La poésie des autres
05/07/2012
NUIT FRACASSÉE
J’ai traversé un pays
où les rêves sont des coquillages
sur la peau des hommes
où les navires déposent
dans les ports
leur cargaison de détresse
de douceur
J’ai traversé un pays
où les bêtes s’arc-boutent
contre les piliers du ciel
où les herbes grésillent
contre les tempes
brasier de l’été
cravaché de lumière
J’ai traversé un pays
sa brûlure m’expose
au tambour du vent
à l’arête du soleil
à l’érosion des mots
J’ai traversé un pays
sa brûlure me traverse
jusqu’à l’os
Micheline Dutoit, Nuit fracassée, Jacques André éd., 2011, p. 24
19:27 Publié dans La poésie des autres
29/05/2012
JAMAIS TU REVIENS
on me dit d’écouter la mer
à travers les arbres
j’entends
le souffle du vent avec
ta voix dedans
*
on voudrait que tout se taise
alors tu parleras autant ta respiration
tu parleras de ta voix quotidienne
tu parleras autant que tu parleras
tu ne te tairas pas tu parleras
et tu ne pourras pas mourir
non pas mourir tant que tu
parleras
*
cela te va à merveille
tu respires sous ton lit de lumière et d’arbres
tu respires tant que la mer s’y mêle
infiltration d’eau jusque dans tes murs
jusque dans tes os
À Manue
Cécile Guivarch, « jamais tu reviens », N4728 n°21, janvier 2012, p. 46
17:59 Publié dans La poésie des autres