22/05/2012
AVEC UN PEU PLUS DE CIEL
Dans l’avenir à découvert
Comme dans une larme de feu
Où rien ne va à la cendre
Où rien ne va au remords
On comprend qu’il y a de l’or
Qui règne sous la peau
Et une vague violente qui n’espérait que ça
André Velter, Avec un peu plus de ciel, nfr/Gallimard, 2012, p. 21
08:45 Publié dans La poésie des autres
08/05/2012
MIRABELLA MYSTICA
Il ne faut pas les chercher seul, dit-on,
Les mirabelles sauvages, cueillies dans l’éther,
Parce que je n’ai pas trouvé d’arbre, étant parti
Seul : les perles dorées à la lisière du bois,
Colorées comme le velours de tes joues,
Le balancement de plumes des branches, duveteuses
Comme ton corps qui me précède et ne doit pas
M’exciter ; malade encore depuis les vieilles
Histoires… couvert d’un plexus solaire
Épuisé, si je veux être galant homme :
Comme le mirabellier s’en va avec toi,
Je serai seul, et lié.
Les paysages changent de couleur, même de
Tonalité depuis que tu es partie, le suppurement notoire
Des tracteurs se perd, non entendu, dans les
Ormes et les pins, et je cueille les fruits
Cachés des arbres qui sont partis
Comme toi, ayant fui les sandar nus :
Que mes poches soient pleines de pommes de pins
Et de forêt, je ne veux pas le savoir… seul
Me porte dans la lumière ton corps qui me précède,
Depuis que tu t’en es allée, et l’arbre mince
Avec toi, et ta peau couverte du velours
Du rire sous le ciel de notre idylle
Isolée dans la Marche ; dont nous nous
Souviendrons, tant que le pouls de son
Rougissement ne nous fait pas oublier.
Il ne faut pas les chercher seul, dit-on,
Les mirabelles sauvages dont nous avons envie
Depuis longtemps et que nous avons trouvées ici,
Où j’ai retrouvé, plein d’étonnement, ton regard,
Ton sourire. Tu es partie, Mirabelle, rien que la lumière
Dans les ormes et les pins… bientôt, ce sera
L’automne… seul, dans mon dos je cache,
Cueillies dans l’éther, les perles dorées, duveteuses :
Une poignée de cadeaux d’amour pour toi.
André Schinkel. Traduit de l’allemand par Rüdiger Fischer. Saraswati n°11, février 2011, p. 15
19:44 Publié dans La poésie des autres
23/03/2012
DU BLEU SUR LES DOIGTS
Vous êtes peut-être
À peine cette silhouette
Dans la lumière de l’été
Qui a du mal à se souvenir
Je vous convie donc à prendre cette main
Quand elle reviendra vers la marge
Soyez de ce qui coule lentement
Dans le blanc
Soyez de ce naufrage
Du dire.
*
Vous êtes avec moi sur le chemin
Vous êtes cette voix
Dictant le poème
Et la main
Si près de la mer
Du bleu
Sur les doigts.
Louis Raoul, Feuille de l’air, Éditions de l’Atlantique, 2011, p. 2, 7.
13:11 Publié dans La poésie des autres
11/03/2012
LES HOMMES SONT DES ARBRES
Les hommes sont des arbres
étranges
les racines enfouies dans leur tête
puisent au terreau des mots
ce qui exhausse leur silhouette
aller là-bas
toujours plus loin
derrière l’horizon
Entre ciel et terre
ils sont
dans l’élargie d’eux-mêmes
le bruissement incessant
de leurs désirs d’humanité
à la rencontre des autres
hommes
arbres étranges
là-bas aux confins
Jean-Louis Clarac, Le vacarme du monde, Éditions de l’Atlantique, 2011, p. 55
17:18 Publié dans La poésie des autres
22/02/2012
LES ÂMES PETITES
S’entrouvre la porte sur le palier
On aperçoit une table deux chaises un buffet
Juste ce qu’il faut
la plage blonde du plancher
On sent une odeur de cire fraîche
de propre
On devine des gestes simples
attentifs
des êtres dignes
dans la rectitude.
Véronique Joyaux, Les âmes petites, Les Carnets du Dessert de Lune, 2011, p. 13
15:49 Publié dans La poésie des autres
08/02/2012
MOUJIK MOUJIK
j'ai
un cheveu sur la lan
gue et un chien
tous les trois on habite
dans le
Bois
dedans
des murs en plas
tique ça claque
l'hiver le vent la nei
ge
on s'accroche aux po
teaux de fer aux clous
aux noeuds des
bois
j'use mes bras à que
ça s'envole pas de
bout
Sophie G. Lucas, Moujik Moujik, Editions des états civils, 2010, p. 9
20:27 Publié dans La poésie des autres
15/01/2012
VEILLEUR DE QUART
Tu poses ton doigt de cristal
Sur la géographie disserte du cœur,
Souffleur de verre où se dispersent les bulles
Le long des jours hésitants
Et des latentes angoisses
Je sens bien que tu es en moi
Ce veilleur de quart qui dérive la houle
Vers la profusion bleue du givre,
L'été, pure radiance des fruits,
Emergence instantanée des plus lourds désirs
Rayonnement dur de la pierre
Dans son scintillement secret.
Silvaine Arabo
Silvaine ARABO, poète, écrivain et plasticienne, dirige les éditions de l’Atlantique et la revue de poésie, d’art et de réflexion Saraswati.
12:21 Publié dans La poésie des autres
04/10/2011
LES MOUETTES
Ce soir les mouettes volent vers la mer
laissant le soleil aux lèvres de l’ombre
à l’est le ciel a pressé toutes ses couleurs
et deux nuages oranges suspendus dans le bleu
errent lentement vers la nuit
les mouettes descendent la vallée de l’estuaire
pressentant le point invisible où tout repose
des cris épars ayant étalé le silence
elles s’endormiront du côté de l’aube
Heather Dohollau, Un regard d’ambre, Folle avoine, 2008, p. 44
09:55 Publié dans La poésie des autres
19/09/2011
La proximité de la mer
Brusquement la soirée s’est éclairée
Car c’est la pluie qui, minutieuse, arrose
La rue. Ou l’arrosait. Elle est la chose
Qui sans nul doute a lieu dans le passé.
Qui l’écoute tomber a retrouvé
Ce temps où, merveilleuse, se propose
La vision de la fleur appelée rose,
La couleur rouge et son étrangeté.
Cette pluie qui aveugle les fenêtres,
Dans des faubourgs perdus, doit mettre en fête
Les raisins noirs d’une treille en certain
Patio enfui. Et l’humide soirée,
Me rend mon père, sa voix, si désirée,
Sa voix qui n’est pas morte et qui revient.
Jorge Luis Borges, La proximité de la mer, nrf/Gallimard, 2010, p. 33
09:26 Publié dans La poésie des autres
31/08/2011
Sur l'épaule de l'ange
Les hommes passaient
à côté d’elles sans les voir.
Modestement agenouillées
dans l’herbe tendre, les roses
étonnées se regardaient
sans comprendre.
Les pensées étaient groupées
dans un coin du jardin,
comme si on avait voulu
les protéger du vent
et des hommes.
Alexandre Romanès, Sur l’épaule de l’ange, Gallimard, 2010, p. 51, 53
20:26 Publié dans La poésie des autres