04/02/2022
BRUMES
© Caroline François-Rubino
brumes florales
senteurs de seringat
il surgit
Bouddha aux yeux clos
rêveur
Bouddha sans message
en suspend
sous un saule
vibrant de lumière
maintes fois Odilon
a peint l'apparition
ciel et terre
poreux l'un à l'autre
songes et gouffres
s'ouvrant sous les fleurs
Françoise Ascal, Brumes. Peintures de Caroline François-Rubino. Æncrages & co, 2021
09:41 Publié dans La poésie des autres
31/07/2021
ENTRE MIDI ET MINUIT
À Valérie Canat de Chizy
Sentir la mer couler dans ses veines
Fait pousser des coquillages
À la surface de la peau
Rapproche du silence
Les voiliers au loin.
Rien ne peut empêcher
La dérive des songes
Dès que plus rien ne bouge
Que les surfeurs
Ressemblent à des acrobates
Courageux
Jouant avec le risque de mourir
Et le plaisir de se surpasser.
Plus les rouleaux sont hauts
Derrière eux
Plus l'exploit d'être encore
Vivants
Se sent dans la manière qu'ils ont
De rester debout
De glisser toujours
Là où le sang des vagues
Circule plus vite
Que les visions fugaces
De l'origine du monde.
Thierry Radière, Entre midi et minuit. La Table ronde, 2021
17:02 Publié dans La poésie des autres
03/06/2021
Là où ici
parfois il suffit d'un poème
une chanson... une peinture
la photographie d'un détail
révélant la masse invisible de l'ensemble
le portrait évanoui de l'oubli
s'imprime et prime à nouveau
un visage rond au regard caché
d'une frange avalant la brillance
d'un sourire discret mais inaliénable
Vincent Motard-Avargues, Là où ici. Aux cailloux des chemins, 2021
11:12 Publié dans La poésie des autres
05/05/2021
CETTE LÉGÈRETÉ
Suis-je
au balbutiement
du poème
vers quelle ombre
irai-je sur la route
qui m'observe
casser
les cailloux du doute
je souffle
sur les poussières
pour trouver
les pavés de l'enfance
oubliée
les nids plus hauts fragiles
Sophie-Marie van der Pas, Cette légèreté. Les éditions Balade à la Lune, 2021
21:45 Publié dans La poésie des autres
27/03/2020
JARDINIER
Tu me renverses et je m’en vais
pleurer d’amour dans la poussière.
Tu m’as souri avant l’aube et le jour
était toi, discrètement, lentement.
J’ai vu ton sourire
et je ne suis jamais rentrée.
Tu dissimulais ta lumière le long des murs
avec tes dents de travers et tes fossettes de jeune homme,
qu’avant ce matin frêle
nous avions défiguré.
Pardon que tu es,
pourquoi es-tu passé si vite ?
*
Quelles nouvelles ? de quel monde ?
Comme si j’espérais savoir
ce qui a bien pu arriver,
très tôt un jour d’avril.
Il a tracé sur ma bouche
une promesse avant de parler,
une manière de caresse ou de baiser
et puis il s’est rompu le cœur.
Ariel Spiegler, Jardinier. Gallimard, 2019
10:17 Publié dans La poésie des autres
14/01/2020
LA RENOUÉE AUX OISEAUX
Moi j'ai l'arbre
son écorce
pour m'enfouir
être unique
même tarie
sans bouche à nourrir
L'enfant sans faim
bouche à bouche avec l'oubli
Je bois la sève de l'arbre
*
Je redescends à l'arbre
une heure durant
je le laisse voler ma lumière
Je voudrais manger
le noir de ses racines
avaler d'autres tubercules
arrachés à la chance
au jardin de l'asile
Paola Pigani, La renouée aux oiseaux. La Boucherie littéraire, 2019
09:26 Publié dans La poésie des autres
26/08/2019
La Grande Papillon
Tortue
La première chose que ma fureur
a pulvérisée, c’est
ma carapace
Tu as tout essayé
pour que je ressemble de nouveau
à une babiole :
porcelaine, ébène, ivoire
des tortues en rang sur une étagère
J’aurais peut-être dû laisser mûrir mes idées
mais pousser un cri
était forcément nécessaire
Et maintenant
mes écailles répandues tracent
un sentier magique
dont tu es champion par ta méfiance
toi qui m’enjoignais : Ne crie pas
Delfine Guy, La Grande Papillon. Al Manar, 2019
08:40 Publié dans La poésie des autres
17/06/2019
Du soleil, sur la pente
Et non seulement l’herbe
et tous les objets posés
sur son tapis
déroulé comme un rire
propagé par-dessus
les murmures du jardin,
mais aussi et surtout
toi en robe tendre
et la ronde vive
des enfants,
et moi dans l’ombre
d’un silence
qui survole tout cela
flottant léger
sur la pente du soleil
et d’un seul désir :
Nous en tenir
au courant.
Morgan Riet, Du soleil, sur la pente. Éditions Voix Tissées, 2019
08:43 Publié dans La poésie des autres
22/05/2019
CORROSION
Thiap
On a pris la route
comme si ce n’était pas la dernière fois.
L’air sentait bon,
la forêt serait toujours là
et les grands arbres.
On a marché
tout était parfait,
le claquement de l’eau
les papillons fous
tourmentés par le vent,
une couleuvre et les singes
qui attendaient qu’on s’éloigne
pour reprendre les conversations.
Puis le film s’est accéléré.
On a parlé, parlé à toute vitesse.
La vie était lovée dans la paume d’une main,
on l’observait.
On a pris la route
comme si je ne devais pas partir demain
et je suis partie.
Toujours on part,
à l’Ouest, carrément.
Je crois que quelque chose m’a suivie,
je l’entends
encore
par moment
qui me chuchote une autre histoire
et caresse mon cœur de cuir.
Février 2017, forêt de Khao Yaï
(Khao Yaï, Thaïlande)
Mireille Disdero, Corrosion. La Boucherie littéraire, 2019
12:40 Publié dans La poésie des autres
22/10/2018
JOUR APRÈS NUIT
L’ombre est nue le matin, sans hâte
j’avance vers les mots qui viennent
à ma rencontre : mes mains butent
sur leur peau, cherchent le sillon où
devenir une voix meilleure, plus limpide,
semblable au chant du verre, caressé.
Une bouche à qui confier l’écume
bouillonnante de vivre
au cœur des chardons,
là où l’immensité pique.
Viens, il nous reste des secrets
à se dire dans l’obscurité parfaite
et le feu des épices.
La mer est derrière la fenêtre, pleine
de voyages indécis.
Larmes intimes offertes
au sable. Mes mains se perdent
dans la brûlure ouverte
où trébuchent et sombrent
les oiseaux blessés,
les paroles décousues, fil à fil.
Martin Laquet, jour après nuit. La Passe du vent, 2017
08:55 Publié dans La poésie des autres