28/05/2020
PARFOIS
parfois rien de neuf
ne surgit
l'esprit devient agile
avec des brins de laine
il tricote un arc-en-ciel
déniche des trésors
dans l'ordinaire
14:28
04/05/2020
DU COTON SÈCHE SUR UN FIL
je m'étire
face à la fenêtre
du coton sèche
sur un fil
pinces à linge
multicolores
pourquoi ne pas
étendre le drap
directement dans l'herbe
une silhouette se faufile
derrière le blanc
ombre imaginaire
10:37
15/04/2020
GLYCINE
16:01
05/04/2020
PRINTEMPS
juste une sortie
dans le matin frais
le temps d'humer l'air
de butiner les fleurs
des cerisiers
juste prendre la température
du printemps
absorber des parcelles
d'humanité
17:40
27/03/2020
JARDINIER
Tu me renverses et je m’en vais
pleurer d’amour dans la poussière.
Tu m’as souri avant l’aube et le jour
était toi, discrètement, lentement.
J’ai vu ton sourire
et je ne suis jamais rentrée.
Tu dissimulais ta lumière le long des murs
avec tes dents de travers et tes fossettes de jeune homme,
qu’avant ce matin frêle
nous avions défiguré.
Pardon que tu es,
pourquoi es-tu passé si vite ?
*
Quelles nouvelles ? de quel monde ?
Comme si j’espérais savoir
ce qui a bien pu arriver,
très tôt un jour d’avril.
Il a tracé sur ma bouche
une promesse avant de parler,
une manière de caresse ou de baiser
et puis il s’est rompu le cœur.
Ariel Spiegler, Jardinier. Gallimard, 2019
10:17 Publié dans La poésie des autres
14/01/2020
LA RENOUÉE AUX OISEAUX
Moi j'ai l'arbre
son écorce
pour m'enfouir
être unique
même tarie
sans bouche à nourrir
L'enfant sans faim
bouche à bouche avec l'oubli
Je bois la sève de l'arbre
*
Je redescends à l'arbre
une heure durant
je le laisse voler ma lumière
Je voudrais manger
le noir de ses racines
avaler d'autres tubercules
arrachés à la chance
au jardin de l'asile
Paola Pigani, La renouée aux oiseaux. La Boucherie littéraire, 2019
09:26 Publié dans La poésie des autres
21/10/2019
Lecture à La Virevolte
12:34 Publié dans Actualités de Valérie
26/08/2019
La Grande Papillon
Tortue
La première chose que ma fureur
a pulvérisée, c’est
ma carapace
Tu as tout essayé
pour que je ressemble de nouveau
à une babiole :
porcelaine, ébène, ivoire
des tortues en rang sur une étagère
J’aurais peut-être dû laisser mûrir mes idées
mais pousser un cri
était forcément nécessaire
Et maintenant
mes écailles répandues tracent
un sentier magique
dont tu es champion par ta méfiance
toi qui m’enjoignais : Ne crie pas
Delfine Guy, La Grande Papillon. Al Manar, 2019
08:40 Publié dans La poésie des autres
17/07/2019
OURLETS II
À gauche, les notes du père, à droite, les mots de la fille. Clara Regy est restée proche de son père, et est aussi restée attentive aux petits riens du quotidien de son paternel : menues courses (et listes de commissions), lierre descendu du mur des voisins, grattage de la terre, repiquage des salades, plantation des dahlias… Cette attention se ressent dans les notes menues que l’on imagine écrites par son père, et qu’elle a retranscrites :
semé laitue d’hiver Merveille
rhume Humex comprimé et gélules
plus de 25 mm de pluie
dans la nuit
Autant de petites notes, qui sont comme les notes d’un journal, esquissées au jour le jour : les menus événements, faits et activités de tous les jours d’un père plus très jeune et menant une vie simple. Les poèmes de la fille, à droite, parlent du père, de ce que la fille retient de celui-ci, de leur relation :
parfois ta bouche parle
tu ne racontes rien
je n’ose te le dire
parfois ta bouche parle
et me fait mal
aussi
quelques mots
perdus
Clara Regy dessine le portrait de son père, qui est resté attaché à la terre, à son jardin :
tu cramponnes le temps au creux des arrosoirs
sans doute un peu moins pleins
la pomme fait semblant
de pleurer davantage
au-dessus des patates
dans le creux de la terre
Elle parle de la toile du jean, de la blouse de travail bleu bugatti, des femmes qu’il regarde ou dont il se souvient avec gourmandise – nous avons tous les deux / passé l’âge / de rougir. Elle parle des légumes de son jardin, des œufs de poule ramassés, dont il est si fier. Un recueil presque à quatre mains, dans lequel père et fille partagent une touchante proximité.
Clara Regy, Ourlets II. Lanskine, 2019
17:24 Publié dans Chroniques
08/07/2019
Deux notes sur "caché dévoilé"
Dans le Terre à ciel de juillet, deux notes sur "caché dévoilé", l'une de Sabine Huynh, l'autre de Clara Regy :
"Il y a... elle, femme-paysage, femme-enfant, et ses mots « humbles » face au « chaos du monde », accrochés à l’enfance et aux merveilleux petits riens qui rappellent la tanière d’antan remplie de joies et protégée de l’indifférence. Il y a une tombe, un deuil, un apaisement cherchant profondeur, des images pures recomposées en retrait du monde. Il y a beaucoup de lumière dans ce texte qui pourtant n’oublie pas que sous le soleil il y a aussi « Alep ventre ouvert ». Il y a une peau de femme qui respire, une sensualité en veille ouverte aux frissons, une sensibilité qui saisit absolument tout.
poésie quand le vert
déverse l’eau des arbres
la poche à l’intérieur
où baignent les tiges
tête recourbée
le coquelicot
j’ai des pétales
pour sentir
le monde vibrer"
Sabine Huynh (à lire sur Terre à ciel)
**
caché dévoilé est un chant, aux vers aigus ou tendres, un jeu entre regard et cœur.
Les images se succèdent, la nature fait son œuvre, soigne, guérit l’enfance. Pensées vers le père, la mère, la sœur ? Un fil sur lequel balance ce regard, alourdi de doutes, de manques, mais d’amour aussi.
Valérie Canat de Chizy, n’oublie pas ce qu’elle nomme « différence », mais elle semble ici, dépassée par les gestes, « les peaux sont douces/après l’amour » quelque chose qui ressemblerait au bonheur, troublée cependant par les douleurs du monde, “ Alep ventre ouvert/où grouillent les vers », et puis peut-être aussi le sentiment de cette intolérable impuissance « sous le sable / les mots se taisent ».
Et c’est ainsi que le texte se construit, se déchire et reprend :
le poème monte
une vague
va et vient
il puise à la source
ce qui dort sous la paille
à l’abri des regards
coquille éclatée de l’œuf
l’oisillon crie famine
les petits becs ouverts
de mon ventre
s’abreuvent
Dans ce recueil, « elle » ose dire et redire, dans des mots gorgés de silence, mais ce silence-là, on l’entend, mieux on l’écoute et puis voilà : « le chat s’étire/sur le dos ».
« J’ai aimé le poème » dit-il alors, et nous, lecteurs, combien pouvons-nous le comprendre !
Clara Regy (à lire sur Terre à ciel)
08:56 Publié dans Recueils parus