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09/01/2017

INFINIMENT PROCHE

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dans la bouche d’une étoile

entre l’ébloui et l’englouti

 

la vie veut sa rosée de nuit

une porte ouverte sur le ciel

 

où je reviens sans être allé

où je reviens sans être né

 

*

 

Je commencerai par être

un verbe

sans limites

un langage

où rien ne serait dit

mais tout pressenti

dans le monde visible

et nulle part ailleurs

un grain de sable

qui dialogue avec les dieux

une élévation

dans l’affection et le bruit neufs

un miracle inouï

sous le soleil de la conscience

je commencerai par être

en devenant ce que je suis

 

Zéno Bianu, Infiniment proche et Le désespoir n’existe pas. Poésie/Gallimard, 2015

09:03 Publié dans La poésie des autres

05/12/2016

NÉ SANS UN CRI

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Après « Et s'il ne parlait pas », publié en 2013 chez le même éditeur, Amandine Marembert fait paraître « Né sans un cri », au titre beaucoup plus tragique. Elle poursuit l'exploration de la parole silencieuse de son garçon autiste, commencée il y a quelques années avec « Un petit garçon un peu silencieux », paru aux éditions Al Manar. Le recueil est composé de vignettes en prose poétique, l'une en haut, l'autre en bas de la page, et au milieu, un espace blanc, figurant une plage de silence. Ce livre est dédié à son fils, Jasmin, qui porte un nom de fleur, et auquel elle s'adresse, en utilisant le « tu ». Une façon pour elle de tisser un lien de connivence avec son petit garçon différent, d'établir une passerelle, par le biais de la poésie, elle qui aimerait, plus tard, peut-être, lui lire ce livre de poèmes écrit pour lui. Émouvant témoignage d'amour d'une mère à l'égard de son enfant. Amandine Marembert raconte son enfant différent, depuis l'énonciation du diagnostic médical, brutal et assourdissant, jusqu'à son évolution plus récente. Elle dit à la fois la réalité objective, le personnel soignant et éducatif, le quotidien partagé entre l'école, l'hôpital de jour et l'institut médico-éducatif, et le regard subjectif de la mère aimante, l'amour des parents et de la petite sœur, loin des clichés et des étiquettes.

 

« Dire que tu es un enfant autiste ne te définit pas. C'est une étiquette. Tu es notre petit garçon un peu silencieux, venu de la lune. Tu flottes dans un espace constellé de taches de lumière qui te happent et t'empêchent souvent d'être présent au monde ».

 

La poésie permet une approche légère, subtile, elle opère des transmutations, une alchimie qui transforme une réalité difficile en un univers onirique, empli de sensations et de perceptions. « Tu as une grâce de danseur qui rejoint les étoiles. Tu pratiques la haute voltige des cerises ». Il y a la nature, que l'enfant aime observer attentivement, il y a la fascination du ressac des vagues, les longues contemplations devant la mer. « Tu écoutes avec attention le ruisseau qui coule, les oiseaux du jardin, le craquement des feuilles ». Les mots respirent, créent une harmonie, ils véhiculent la douceur et l'amour, n'enferment pas l'enfant, le laissent respirer. « Le filet du hamac te tresse une voûte de feuilles transparentes. Tu y respires entre les nervures ».

 

Le recueil d'Amandine Marembert a aussi une portée militante, avec le souci de véhiculer la parole très peu partagée de la réalité de l'autisme, y compris la réalité sociale. Car il ne faut pas oublier que peu de moyens sont octroyés par l’État pour prendre en charge les personnes autistes. « Peu de personnes savent qu'on offre des pièces délabrées, aux stores cassés, à la moquette poussiéreuse, à ces enfants différents ». Pour les parents, il y a aussi la contrainte des trajets en voiture, pour conduire leur enfant dans les différents établissements qui le suivent.

 

Amandine Marembert parle des peurs de son fils, de ses refus, de ses troubles. Elle dit aussi ce qu'il aime, les caresses, les jeux, le jardin… Elle voudrait effacer la frontière qui se dresse entre lui et le monde. « Il faut comprendre la personne avec autisme. Essayer de se mettre à sa place et adopter son point de vue ». Elle sème des cailloux de Petit Poucet pour ne pas perdre la trace de Jasmin. Pour le suivre sur son chemin balisé, pour déchiffrer ses énigmes et partager son univers.

 

 

Amandine Marembert, Né sans un cri. Les Arêtes, 2016

 

09:58 Publié dans Chroniques

28/10/2016

FIGURES QUI BOUGENT UN PEU

 

Parfois le plaisir qu'on a est grand (même s'il est un leurre)
À soudain rougir devant le sourire nu du monde.
À cause de ces moments la peur de mourir se perd :
Je vous aime vivants dans le temps qui s'en ira sans moi.

James Sacré, Figures qui bougent un peu. Poésie/Gallimard, 2015

 

 

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11:42 Publié dans La poésie des autres

03/10/2016

Je murmure au lilas (que j'aime)

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Site des éditions Henry

 

Ils en parlent :

Isabelle Lévesque sur le site Terre de femmes

Marilyne Bertoncini, dans Recours au poème

Marilyse Leroux, sur le site de la revue Texture

Jean-Christophe Ribeyre, dans Verso n°168

« Qu’est-ce qu’entendre ? » demande Valérie Canat de Chizy, « A quoi ressemble le bruit d’un arbre dans le vent ? » Les sens nous ouvrent au monde, la perte de l’un d’entre eux est forcément ressentie comme un arrachement. Se dresse alors devant soi une frontière invisible qui peut paraître infranchissable. « Celui qui est resté dans le silence est demeuré dans une bulle. Sur la vitre, il y a un halo, vision trouble du monde. Tout est brouillé. Comment saisir les lettres, les mots, les aspérités ? Le tram passe sans bruit. »

L’auteure dit avec pudeur l’absence et le sentiment du vide autour de soi. Mais le poème permet de se confronter à l’inaudible, de le dépasser et de faire jaillir une parole qui restituera au monde ses territoires occultés. Une parole qui réduira la distance, renouera peu à peu le lien cassé et saura « ouvrir la cage à grands coups de respiration et d’assouplissements ».

Se confronter au silence du monde c’est également se confronter aux deuils, au silence des absents, celui notamment d’un père disparu. « Papa n’est plus là il a replongé dans le silence, seul au bord d’une gare routière. Les voitures passent à toute allure dans les feux de la nuit le long des vitres de son appartement. » Sa présence, comme arrachée au silence, refait brièvement surface. Valérie Canat de Chizy l’accueille alors, se tenant un temps à la « jonction entre le monde des vivants et celui des morts. »

Ce livre magnifique rend sensible le cheminement souterrain de la parole poétique par-delà les mots que l’on échange au quotidien, il dit sobrement la blessure de ressentir au plus profond de soi cette « coupure », cette  « césure, tellement vivaces au creux des chairs ».

 

Jean-Christophe Ribeyre

12:59 Publié dans Recueils parus

22/08/2016

NOUS VIVONS COMME LES FEUILLES

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Nous vivons comme les feuilles

avec un peu d'été dans les poches

et le sucre de l'automne sur la langue

Devant les yeux fermés

La guerre ressemble aux feuilles brunes

La mort de loin a parfois

dit-on de belles couleurs

Sur des bogues s'empalent

des abeilles sans courage

La ville froide écaille le lait

jasmin de ses vitres

 

*

 

Il y avait des hommes

qui prenaient soin des bêtes

moins pour leur force et leur sang

que pour leur présence

leur regard qui met en ordre le monde

et la grande paix de leurs pas

 

 

Laurent Faugeras, Deux visages de la même eau, Les éd. du Contentieux, 2016

09:04 Publié dans La poésie des autres

18/07/2016

BOIS DE PEU DE POIDS

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tu as la peau / visage dans ton cou /

qui sent le sel / souffle-t-elle /

cette mer à laquelle tu te relies /

ayant nagé / brassé avant midi en elle

 

que tu portes ainsi telle une eau

de toilette / un littoral que ton amour

 

décèle en promenant ses lèvres sur toi /

 

retrouvant un peu de sa force / violence

d'avancées des flots sur les salins

qu'est devenu ton corps si léger /

épiderme à la surface de sa bouche

 

par magie qui fait cesser les tempêtes /

te recueille sur sa langue / en sachet

 

de fleur de sel envoûtant sa baignade

 

Romain Fustier, Bois de peu de poids : été - automne. Lanskine, 2016

09:43 Publié dans La poésie des autres

29/06/2016

LA CLARTÉ JAUNE DU SOLEIL

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09:17 Publié dans Recueils parus

19/05/2016

LA CONNIVENCE DU MARCHAND DE COULEURS

 

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Le marchand de couleurs est celui qui permet d'imaginer la passion écarlate / d'un monde indicible. Il traverse des contrées où la société ne semble pas avoir élu domicile. Seuls une maison, un hameau, un village feront sûrement surface mais pour longtemps ce chemin / suffit. Le recueil s'attache au périple de ce personnage dans un espace-temps intemporel.

 

Le voyage ici n'est pas un moyen de rencontrer d'autres civilisations, mais une façon d'être au monde. La terre, le ciel, les paysages, voilà ce qui compte. Marie-Ange Sebasti semble faire l'éloge du dépouillement. Le marchand de couleurs ne possède rien, il s'habille de sable / pour épouser la vague. Ce qui compte, c'est la capacité à s'émerveiller, à regarder le monde avec un œil neuf. Ce n'est pas le foisonnement de la nature qui éblouit, c'est la pureté du paysage, les différentes teintes du ciel selon le moment de la journée.

 

Jour après jour le crépuscule

brasse toutes les couleurs

inonde l'univers

rétrécit les galaxies

 

Marie-Ange Sebasti parle de liberté. De la capacité de partager sans parole non pas des biens mais

 

quelques cailloux

quelques talus

 

un rêve à l'endroit

un rêve à l'envers

 

la lumière vorace

la lumière déçue

 

Capacité à dialoguer avec les planètes, à faire de l'univers une source inépuisable de richesse. Ainsi la terre devient moins désinvolte / plus précieuse.

 

Marie-Ange Sebasti, La connivence du marchand de couleurs. Jacques André éd., 2016

Photo de Josette Vial

13:03 Publié dans Chroniques

04/04/2016

UN TEMPS D'HIVER

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Roland Tixier est un poète urbain dont les textes, concis et dépouillés, traduisent les émotions les plus simples, mettant en lumière l’ordinaire. Un temps d’hiver réunit plusieurs recueils écrits entre 1988 et aujourd’hui, proposant ainsi plus de vingt ans de poèmes. Le premier recueil, 33 fois l’espoir, évoque des souvenirs d’enfance : le journal du matin lu au café, l’entrée de l’usine, le terrain de foot du dimanche, la colonie de vacances. Les mots parlent de la pauvreté, avec une attention portée aux petites gens. Dans Pour ainsi dire émerge une fragilité, une blessure, évoquées à demi-mots, veines ouvertes / de l’intérieur, douleurs éparses, et rendues perceptibles par la vision de l’homme étendu / la bouche close, du chat écrasé / sur les pointillés. Si l’univers de Roland Tixier est avant tout urbain, le poète garde en lui le souvenir des noisetiers limousins, comme une note d’espoir, une nature ténue au cœur de la ville, une nature qui cohabite avec le béton. Dans On va vers les beaux jours, l’espoir semble se faire plus prégnant, avec une sensibilité accrue aux détails du quotidien, qui deviennent des pépites de soleil, ainsi, le cri d’une hirondelle, une feuille de bronze / sur ciel de lait, deviennent des éléments favorisant le bonheur, permettant de ne pas rester dans la douleur. Roland Tixier s’émerveille sur de menues impressions ou sensations. Il apprend à laisser de côté ce qui n’en vaut pas la peine. 

 

pour un peu parfois

mandarines papillotes

les douces lueurs

les larmes dans la gorge

 

ce n’est rien peut-être

le bonheur simple d’exister

 

Roland Tixier, Un temps d'hiver. La Passe du vent, 2014

09:27 Publié dans Chroniques

03/03/2016

FURET

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Clara Regy nous livre avec ce Furet, prix des Trouvères 2015, des bribes d’enfance, souvenirs d’une petite fille de huit ans laissée dans une ferme, prise en charge par une vieille femme, peut-être une tante, alors que sa mère est partie. Aux scènes de vie quotidienne de la ferme, avec les hommes bruns / de bouse chaude, le cochon que l’on tue et dont le sang forme un collier liquide, la naissance d’un veau, les haricots que l’on cueille, s’ajoute le vécu de la petite fille qui rêve de s’évader de là, enfant qu’on oublie / au bord / et qui goûte à la mort, sa tristesse – elle n’était pas / venue / - ma mère -, sa peur dans cette campagne pleine d’ombres et de plantes qu’elle ne connaît pas. L’enfant voit des choses qu’elle ne comprend pas, une vache morte – je crois / qu’elle me regarde / et que c’est de ma faute –. Il y a aussi cette vieille femme, évoquée de façon récurrente, qui s’occupe d’elle mais qui n’est pas une maman, et qui demeure une étrangère. Pourtant, çà et là apparaissent des pépites de plaisir, le vin du goûter, les poupées de maïs / en chevelure folle / nattées indiennes, et jusqu’à ce petit corps / luisant / de savon / chaud aperçu par-dessus un muret. La vieille femme apparaît de plus en plus souvent dans les dernières pages du recueil, comme si naissait une forme d’attachement, et l’enfant voudrait la défendre des riches dames du château devant lesquelles elle se courbe. Des années plus tard, Clara Regy se souvient de cette femme qui, avec l’âge, retomba en enfance : je la vois moi / je disais / je la vois // et encore // aujourd’hui / peut-être.

Clara Regy, Furet. Editions Henry, 2016

13:14 Publié dans Chroniques