18/07/2016
BOIS DE PEU DE POIDS
tu as la peau / visage dans ton cou /
qui sent le sel / souffle-t-elle /
cette mer à laquelle tu te relies /
ayant nagé / brassé avant midi en elle
que tu portes ainsi telle une eau
de toilette / un littoral que ton amour
décèle en promenant ses lèvres sur toi /
retrouvant un peu de sa force / violence
d'avancées des flots sur les salins
qu'est devenu ton corps si léger /
épiderme à la surface de sa bouche
par magie qui fait cesser les tempêtes /
te recueille sur sa langue / en sachet
de fleur de sel envoûtant sa baignade
Romain Fustier, Bois de peu de poids : été - automne. Lanskine, 2016
09:43 Publié dans La poésie des autres
29/06/2016
LA CLARTÉ JAUNE DU SOLEIL
09:17 Publié dans Recueils parus
19/05/2016
LA CONNIVENCE DU MARCHAND DE COULEURS
Le marchand de couleurs est celui qui permet d'imaginer la passion écarlate / d'un monde indicible. Il traverse des contrées où la société ne semble pas avoir élu domicile. Seuls une maison, un hameau, un village feront sûrement surface mais pour longtemps ce chemin / suffit. Le recueil s'attache au périple de ce personnage dans un espace-temps intemporel.
Le voyage ici n'est pas un moyen de rencontrer d'autres civilisations, mais une façon d'être au monde. La terre, le ciel, les paysages, voilà ce qui compte. Marie-Ange Sebasti semble faire l'éloge du dépouillement. Le marchand de couleurs ne possède rien, il s'habille de sable / pour épouser la vague. Ce qui compte, c'est la capacité à s'émerveiller, à regarder le monde avec un œil neuf. Ce n'est pas le foisonnement de la nature qui éblouit, c'est la pureté du paysage, les différentes teintes du ciel selon le moment de la journée.
Jour après jour le crépuscule
brasse toutes les couleurs
inonde l'univers
rétrécit les galaxies
Marie-Ange Sebasti parle de liberté. De la capacité de partager sans parole non pas des biens mais
quelques cailloux
quelques talus
un rêve à l'endroit
un rêve à l'envers
la lumière vorace
la lumière déçue
Capacité à dialoguer avec les planètes, à faire de l'univers une source inépuisable de richesse. Ainsi la terre devient moins désinvolte / plus précieuse.
Marie-Ange Sebasti, La connivence du marchand de couleurs. Jacques André éd., 2016
Photo de Josette Vial
13:03 Publié dans Chroniques
04/04/2016
UN TEMPS D'HIVER
Roland Tixier est un poète urbain dont les textes, concis et dépouillés, traduisent les émotions les plus simples, mettant en lumière l’ordinaire. Un temps d’hiver réunit plusieurs recueils écrits entre 1988 et aujourd’hui, proposant ainsi plus de vingt ans de poèmes. Le premier recueil, 33 fois l’espoir, évoque des souvenirs d’enfance : le journal du matin lu au café, l’entrée de l’usine, le terrain de foot du dimanche, la colonie de vacances. Les mots parlent de la pauvreté, avec une attention portée aux petites gens. Dans Pour ainsi dire émerge une fragilité, une blessure, évoquées à demi-mots, veines ouvertes / de l’intérieur, douleurs éparses, et rendues perceptibles par la vision de l’homme étendu / la bouche close, du chat écrasé / sur les pointillés. Si l’univers de Roland Tixier est avant tout urbain, le poète garde en lui le souvenir des noisetiers limousins, comme une note d’espoir, une nature ténue au cœur de la ville, une nature qui cohabite avec le béton. Dans On va vers les beaux jours, l’espoir semble se faire plus prégnant, avec une sensibilité accrue aux détails du quotidien, qui deviennent des pépites de soleil, ainsi, le cri d’une hirondelle, une feuille de bronze / sur ciel de lait, deviennent des éléments favorisant le bonheur, permettant de ne pas rester dans la douleur. Roland Tixier s’émerveille sur de menues impressions ou sensations. Il apprend à laisser de côté ce qui n’en vaut pas la peine.
pour un peu parfois
mandarines papillotes
les douces lueurs
les larmes dans la gorge
ce n’est rien peut-être
le bonheur simple d’exister
Roland Tixier, Un temps d'hiver. La Passe du vent, 2014
09:27 Publié dans Chroniques
03/03/2016
FURET
Clara Regy nous livre avec ce Furet, prix des Trouvères 2015, des bribes d’enfance, souvenirs d’une petite fille de huit ans laissée dans une ferme, prise en charge par une vieille femme, peut-être une tante, alors que sa mère est partie. Aux scènes de vie quotidienne de la ferme, avec les hommes bruns / de bouse chaude, le cochon que l’on tue et dont le sang forme un collier liquide, la naissance d’un veau, les haricots que l’on cueille, s’ajoute le vécu de la petite fille qui rêve de s’évader de là, enfant qu’on oublie / au bord / et qui goûte à la mort, sa tristesse – elle n’était pas / venue / - ma mère -, sa peur dans cette campagne pleine d’ombres et de plantes qu’elle ne connaît pas. L’enfant voit des choses qu’elle ne comprend pas, une vache morte – je crois / qu’elle me regarde / et que c’est de ma faute –. Il y a aussi cette vieille femme, évoquée de façon récurrente, qui s’occupe d’elle mais qui n’est pas une maman, et qui demeure une étrangère. Pourtant, çà et là apparaissent des pépites de plaisir, le vin du goûter, les poupées de maïs / en chevelure folle / nattées indiennes, et jusqu’à ce petit corps / luisant / de savon / chaud aperçu par-dessus un muret. La vieille femme apparaît de plus en plus souvent dans les dernières pages du recueil, comme si naissait une forme d’attachement, et l’enfant voudrait la défendre des riches dames du château devant lesquelles elle se courbe. Des années plus tard, Clara Regy se souvient de cette femme qui, avec l’âge, retomba en enfance : je la vois moi / je disais / je la vois // et encore // aujourd’hui / peut-être.
Clara Regy, Furet. Editions Henry, 2016
13:14 Publié dans Chroniques
04/02/2016
L'ÉTOFFE DE LA NUIT
L'étoffe de la nuit : livre d'artiste. Textes de Valérie Canat de Chizy, pastels de Gilbert Desclaux. 2016
09:51 Publié dans Recueils parus
07/01/2016
ÉLÉGIES POUR LE TEMPS DE VIVRE
Tu m’as reçu comme le jour reçoit
les premières rumeurs de l’aube,
tu m’as dit que derrière le soleil
des poèmes prenaient racine, tu
m’as parlé d’oiseaux perdus,
de fleurs inapaisées, tu m’as dit
qu’une source jouait dans les replis
de ta mémoire – et je t’ai cru,
je t’ai suivi sous la neige qui
venait de tomber sur le jardin muet,
je me suis serré contre toi, sans
crainte, sans efforts, avec le souvenir
d’étreintes passées qui m’avaient
tant charmé, je suis entré en toi,
tu m’as reçu comme la nuit
reçoit le frisson des étoiles, comme
le silence appelle le silence jusqu’aux
frontières de l’échange, comme
tout se résout dans ce qui nous attend.
Richard Rognet, Élégies pour le temps de vivre, Poésie/Gallimard, 2015
09:40 Publié dans La poésie des autres
12/10/2015
J'ERRE SANS ATTACHE SUR LA VOIE
De quelle nuit es-tu venue ?
De quel jour ? Soudain tu es
Au cœur de tout. Les lilas
Ont frémi ; le mot est dit.
Tout prend sens, tout se découvre
Don. Dès lors, tout se transmue :
Le ciel-terre en chair aimante,
En ondes sans fin les instants.
*
J’erre sans attache sur la Voie,
En plein cœur de la lente chute
des feuilles et des étoiles ;
Au lointain appel d’une voix,
Je me retourne et je vois
le visage et le regard.
L’automne mûr détient encore
Tout l’or secret du royaume,
par-delà flammes et larmes ;
Du fond de la frondaison,
Un chant trace la sente qui mène
à l’inapaisable fontaine.
François Cheng, La vraie gloire est ici. Gallimard, 2015
09:32 Publié dans La poésie des autres
14/09/2015
POETRY
Vient de paraître : "Poetry" chez Jacques André éditeur
http://www.jacques-andre-editeur.eu/web/ouvrage/320/+Poetry.html
Ils en parlent :
Isabelle Lévesque, sur le site Poezibao
Marilyne Bertoncini-Pirez, sur le site La Cause littéraire
Sanda Voïca, sur le site Paysages écrits (janvier 2016)
Cécile Guivarch, sur le site Terre à ciel (octobre 2015)
Florence Trocmé, dans Le flotoir du 25 août 2015
Patrice Maltaverne, sur le blog Poésie chronique ta malle
Jacques Morin, dans la revue Décharge
13:25 Publié dans Recueils parus
03/09/2015
S'IL EXISTE DES FLEURS
Ce sont des poèmes sur la guerre, vue à travers le prisme de la nature. S’il existe des fleurs, il existe des hommes, ces hommes tombent, mais les fleurs restent. Ce sont des poèmes courts, des phrases simples, pour dire les jeunes hommes enrôlés durant la guerre, fauchés dans la fleur de l’âge. L’émotion naît de ce regard posé sur la nature, qui demeure, et de ces mots du poème pour dire le bleu du jour, les arbres les murs un temple / entre la terre et la mer.
le jour donne le bleu
de branche en branche
s’étend sur les campagnes
ne compte pas les morts
La mort est ici abordée avec le regard de l’innocence. Le recueil fonctionne par images, par scènes. On voit les animaux, les hommes courir dans l’herbe, on voit les arbres, la nature, on imagine le silence dans une prairie caressée par le soleil.
les animaux courent devant
pour ne pas être tués
aussi des hommes
courent autant
ils restent chauds
après leur dernier souffle
C’est cela qui contraste : la douceur et la tendresse qui émanent des mots, et la violence, l’horreur de la guerre, qui demeurent en arrière-plan.
depuis les collines apparaît le soleil
des soldats dévalent les collines
s’inquiètent soudain du silence des oiseaux
Cécile Guivarch nous touche par sa capacité d'empathie, elle qui sait si bien éprouver ce que d’autres vivent dans leur propre chair.
ils ont froid
de tant de neige tombée sur leurs tombes
ils ont froid et se rapprochent
se regardent presque
Cécile Guivarch, S’il existe des fleurs, L’arbre à paroles, 2015
11:49 Publié dans Chroniques