21/01/2015
VÊTUE DE VENT
« Vêtue de vent ». À la fois le féminin et la liberté. Le sacré aussi. Geneviève Vidal parle d’elle, mais son « je » est universel, il parle de toutes les femmes dans le monde, celles que leur condition a entravées, ligotées, martyrisées. « S’évader, Rêver ». Sortir de la prison. Le désir de liberté est très fort chez Geneviève Vidal, elle qui, passionnée de voyages, a soif de grands espaces. Ces grands espaces que l’on trouve aussi à l’intérieur de soi. « Ici lié à là-bas / Loin s’approche / en vagues égales ». Ainsi, les distances s’amenuisent. Malgré les « périls », malgré les « accrocs », ce qui prédomine est la quête d’une beauté que rien ne vient troubler dans sa plénitude. « Ce BLEU je veux en parler / Pin sombre qui encore s’allonge vers le ciel / J’aspire à la tranquillité de son faîte / à boire comme lui les rais du soleil ». Car sur l’autre versant de la beauté se trouvent la cruauté, la « décomposition des chairs », « le vagabond laissé pour mort » ; les balles sifflent, la haine sévit... Geneviève Vidal le sait. Sa conscience de la cruauté du monde la pousse à chercher plus loin le sens du poème. Tout est enfantement, le poème est un accouchement, en même temps qu’une naissance à soi : « es-tu la mère ou l’enfant ». L’art, les divinités, sont conviés jusque dans cette « nuit balinaise » où les dieux et les démons s’affrontent.
« Grondement du volcan / gueule du monstre Barong / déversant les flammes // Ondulation des danseuses / Voir par les yeux du serpent // Tresser les souffles pour conjurer la peur // S’enroulent les anneaux du temps ».
Geneviève Vidal, Vêtue de vent, Jacques André éditeur, 2014
15:29 Publié dans Chroniques
16/01/2015
Un dessin de Tanguy Dohollau (janvier 2015)
09:26
15/12/2014
LUNDI
Je grise
Je froide
Je crève
En haut c'est pas matin
C'est rien
Qu'après la nuit
Les voix qui m'appellent
Me cherchent dans mon puits
Se taisent
Font "chut"
En haut c'est rien
L'odeur de tabac froid
Dans le drap et ses plis
Presque plus
Rien qu'un chuchotement
À peine
Je sors
Valérie Harkness, Lundi, Editions Henry, 2014
13:26 Publié dans La poésie des autres
26/10/2014
JOURS ET AJOURS
Avec la clarté grise de la fenêtre, vient le jour, ce silence étale, le lever et la tache blanche, brillante sur ton bras qui fait peau être à nouveau et coeur et pupille.
L'eau calme du jour.
*
Très grand calme sur ce jour où n'a pointé le soleil que tardivement dans la matinée.
Calme et grand silence.
Oeil neuf aussi, retour à l'amour simple.
Un jour qui fait suite à la mue, au dégagement de la gangue.
Je suis papillon sur l'arête veloutée de ma vie.
Georges Chich, Jours et ajours suivis de autres poèmes. Jacques André éditeur, 2014
16:10 Publié dans La poésie des autres
09/10/2014
MURAILLE DE CHINE
11:04 Publié dans Recueils parus
23/08/2014
CHANTS D'UN OISEAU DE NUIT
Le recueil commence par des considérations sur le quotidien : Descendre l’escalier, / Sortir les chats, / Rentrer les chats, / Donner à manger aux chats, par une critique de l’américanisation et de l’argent fou. Très vite, le rêve supplante le réel, non pas le rêve américain, mais L’épisode unique / D’un feuilleton / Qui se réécrit / Souvent. Rêver au passé. Instants saisis au vol. Alain Crozier déroule le film de sa jeunesse. C’est une gare désaffectée, un mercredi de pluie continue, un repas de noël… Mais le vrai rêve survient au milieu du recueil quand les filles connues, croisées, aimées refont surface. Pour Alain Crozier, Il faut toujours renier le futur, / Il faut toujours revivre le passé, / Il faut toujours essayer tout ça. // Refuser la fatalité, / Recommencer les bons moments, / L’ère antérieure à un air… Puis, rêver aux rencontres possibles, fantasmées. Rêves de puissance et de séduction. Ce sont sans doute ces deux parties qui sont les plus intéressantes, les plus envoûtantes. Le rêve est donc ici un contrepoids au réel, au présent. Alain Crozier semble nostalgique de l’époque où il découvrait les Doors et vibrait aux chansons de Morrison. Ses Chants d’un oiseau de nuit sont un petit concert nocturne à écouter…
Alain Crozier, Chants d’un oiseau de nuit, Jaques André éditeur, 2014
20:09 Publié dans Chroniques
11/07/2014
D'ÊTRE LE COEUR OUVERT
d'être le coeur ouvert
comme un bleuet
des mains étirent la chair
champs de coquelicots
vieilles pierres
forment une césure
la gorge rétrécit.
*
partir fuir
à l'ombre
des châtaigniers
dialoguer avec les pierres
tenir à distance les meutes
aux abois
visages déchirés qui se superposent
forment des taches sombres.
*
où est l'amour
les corps se heurtent
dans la pupille des chats
je vois la clarté jaune
du soleil la tendresse
du pain.
Extraits publiés dans Saraswati n°13 (mai 2014)
10:57 Publié dans La poésie des autres
28/06/2014
QUI SOUS LE BLANC SE TAIT
plus dense que tu ne crois
la pierre porte la brûlure
vers le lieu exact touchant l'étoffe
non pas vers un point rouge tendu
par-dessus la faille
mais dans l'indéchiffrable
à l'arrière des yeux
dans l'odeur naissante du soir
n'oublie pas que sous les paupières
il faut mordre la nuit
qui sous le blanc se tait
Erwann Rougé, qui sous le blanc se tait, Editions Potentille, 2013
11:38 Publié dans La poésie des autres
17/05/2014
UNE LECON DE SÈVE
Une leçon de sève a obtenu le prix des Trouvères 2011. Jean-Christophe Ribeyre est un poète discret, qui semble préférer l’imprégnation de la nature à l’exposition de soi. Dans ce recueil, l’orage, la grêle, évoquent le saccage, tout comme les aléas de la vie peuvent saccager un être. Ces êtres cousus de silence qui se fondent dans l’ombre des jardins, dont l’inquiétude va de pair avec une beauté peureuse, et que l’on ne remarque pas tant ils sont discrets. Il faut alors baisser la voix car ces hommes n’irradient pas à la lumière, ils purgent leur peine dans le gel. Le jardin cette nuit s’est voilé / d’une trop grande / montée d’énigme. Quelque chose vient, le printemps, il faut alors puiser aux réserves limpides. Jean-Christophe Ribeyre sait évoquer la difficulté d’une lente mutation. Comment passer de la douleur et de l’anéantissement à un état plus harmonieux, alors que tout semble tellement figé ; par quelle pierre passer pour traverser le ruisseau ? La grêle arrive, frappant au / cœur, directement / au cœur. C’est en nous / ce qui meurt, / ce qui lapide au loin / emportant la lumière. Or, soudainement, la vie jaillit, les abeilles, la lavande, les papillons se soulèvent, dans un éblouissement, la joie éclate silencieuse / comme un champ de tournesols. C’est un beau recueil que cette « leçon de sève », qui nous incite à écouter au plus près la fragilité des êtres et des choses.
Jean-Christophe Ribeyre, Une leçon de sève, Éditions Henry, 2011
14:17 Publié dans Chroniques
11/04/2014
NAVIGUER DANS LES MARGES
bourgeons bourgeonnant
fièrement portés par les branches
promesse de vert et d'ombre
de fleurs de fruits de musiques
bourgeons feuilles endormies
l'arbre prodigue écoute en lui
germer ses frissons de pensées.
*
l'inespérée
l'étoile qui tombe dans ta main
habillée de lumières
de rêves filés en août
et puis l'étoile se givre
jusqu'à Noël espéré.
Luce Guilbaud, Naviguer dans les marges, SOC & FOC, 2013
18:53 Publié dans La poésie des autres