07/07/2015
MÈRE OU L'AUTRE
l’enfant nu sort d’une prison de chair
sa liberté garde un œil derrière le front
il regarde en arrière
c’est moi qu’il voit vraie mère ou mère fictive
si je protège je fais écran (j’empêche aussi)
parce qu’elle a creusé en toi ce manque inguérissable
elle sera toujours là comme un fantôme te tirant vers le noir
quel amour faudra-t-il pour te guérir de l’absence originelle ?
Luce Guilbaud, Mère ou l’autre, Tarabuste, 2014
09:40 Publié dans La poésie des autres
04/06/2015
LA RETENUE
soustraire
au temps, au regard, à la lumière
au jour déjà commencé,
qui devra prendre date
aux mots écrits pour ce jour-là.
à la lumière
soustraire au cours du fleuve, au temps,
ce qu’il charrie,
ne pas le regarder couler,
s’enfouir sous le vert gazon qui borde ses rêves.
soustraire au sens ma propre voix, le monde à mes yeux
ce matin.
au temps, au regard, à la lumière.
il n’y aura pas de libération glorieuse,
puisque la contrainte est lâche.
un refuge n’est pas le mot qui convient, mais
« gangue ».
Lucie Taïeb, La retenue, Lanskine, 2015
13:09 Publié dans La poésie des autres
29/05/2015
LE BRUIT DES ABEILLES
"Le bruit des abeilles", co-écrit avec Cécile Guivarch
Ils en parlent :
Sabine Huynh, sur le site de Terre à Ciel
Marilyne Bertoncini, sur le site La Cause littéraire
Isabelle Lévesque, sur le site Recours au Poème
Jeanpyer Poëls, dans la revue Europe
Jean-Christophe Ribeyre, dans la revue Verso
Murielle Compère-Demarcy sur le blog Arrêt sur poèmes
10:52 Publié dans Recueils parus
20/04/2015
CHUT
montagnes
soleil de fin de route
bien arrivés
Au téléphone tu dis
je suis malade
trois mots
trois tonnes d’argile
sans émail
Moi l’oiseau rieur
le bec le cœur
en une seconde
cloués
Estelle Fenzy, Chut (le monstre dort). La Part commune, 2015
09:38 Publié dans La poésie des autres
21/01/2015
VÊTUE DE VENT
« Vêtue de vent ». À la fois le féminin et la liberté. Le sacré aussi. Geneviève Vidal parle d’elle, mais son « je » est universel, il parle de toutes les femmes dans le monde, celles que leur condition a entravées, ligotées, martyrisées. « S’évader, Rêver ». Sortir de la prison. Le désir de liberté est très fort chez Geneviève Vidal, elle qui, passionnée de voyages, a soif de grands espaces. Ces grands espaces que l’on trouve aussi à l’intérieur de soi. « Ici lié à là-bas / Loin s’approche / en vagues égales ». Ainsi, les distances s’amenuisent. Malgré les « périls », malgré les « accrocs », ce qui prédomine est la quête d’une beauté que rien ne vient troubler dans sa plénitude. « Ce BLEU je veux en parler / Pin sombre qui encore s’allonge vers le ciel / J’aspire à la tranquillité de son faîte / à boire comme lui les rais du soleil ». Car sur l’autre versant de la beauté se trouvent la cruauté, la « décomposition des chairs », « le vagabond laissé pour mort » ; les balles sifflent, la haine sévit... Geneviève Vidal le sait. Sa conscience de la cruauté du monde la pousse à chercher plus loin le sens du poème. Tout est enfantement, le poème est un accouchement, en même temps qu’une naissance à soi : « es-tu la mère ou l’enfant ». L’art, les divinités, sont conviés jusque dans cette « nuit balinaise » où les dieux et les démons s’affrontent.
« Grondement du volcan / gueule du monstre Barong / déversant les flammes // Ondulation des danseuses / Voir par les yeux du serpent // Tresser les souffles pour conjurer la peur // S’enroulent les anneaux du temps ».
Geneviève Vidal, Vêtue de vent, Jacques André éditeur, 2014
15:29 Publié dans Chroniques
16/01/2015
Un dessin de Tanguy Dohollau (janvier 2015)
09:26
15/12/2014
LUNDI
Je grise
Je froide
Je crève
En haut c'est pas matin
C'est rien
Qu'après la nuit
Les voix qui m'appellent
Me cherchent dans mon puits
Se taisent
Font "chut"
En haut c'est rien
L'odeur de tabac froid
Dans le drap et ses plis
Presque plus
Rien qu'un chuchotement
À peine
Je sors
Valérie Harkness, Lundi, Editions Henry, 2014
13:26 Publié dans La poésie des autres
26/10/2014
JOURS ET AJOURS
Avec la clarté grise de la fenêtre, vient le jour, ce silence étale, le lever et la tache blanche, brillante sur ton bras qui fait peau être à nouveau et coeur et pupille.
L'eau calme du jour.
*
Très grand calme sur ce jour où n'a pointé le soleil que tardivement dans la matinée.
Calme et grand silence.
Oeil neuf aussi, retour à l'amour simple.
Un jour qui fait suite à la mue, au dégagement de la gangue.
Je suis papillon sur l'arête veloutée de ma vie.
Georges Chich, Jours et ajours suivis de autres poèmes. Jacques André éditeur, 2014
16:10 Publié dans La poésie des autres
09/10/2014
MURAILLE DE CHINE
11:04 Publié dans Recueils parus
23/08/2014
CHANTS D'UN OISEAU DE NUIT
Le recueil commence par des considérations sur le quotidien : Descendre l’escalier, / Sortir les chats, / Rentrer les chats, / Donner à manger aux chats, par une critique de l’américanisation et de l’argent fou. Très vite, le rêve supplante le réel, non pas le rêve américain, mais L’épisode unique / D’un feuilleton / Qui se réécrit / Souvent. Rêver au passé. Instants saisis au vol. Alain Crozier déroule le film de sa jeunesse. C’est une gare désaffectée, un mercredi de pluie continue, un repas de noël… Mais le vrai rêve survient au milieu du recueil quand les filles connues, croisées, aimées refont surface. Pour Alain Crozier, Il faut toujours renier le futur, / Il faut toujours revivre le passé, / Il faut toujours essayer tout ça. // Refuser la fatalité, / Recommencer les bons moments, / L’ère antérieure à un air… Puis, rêver aux rencontres possibles, fantasmées. Rêves de puissance et de séduction. Ce sont sans doute ces deux parties qui sont les plus intéressantes, les plus envoûtantes. Le rêve est donc ici un contrepoids au réel, au présent. Alain Crozier semble nostalgique de l’époque où il découvrait les Doors et vibrait aux chansons de Morrison. Ses Chants d’un oiseau de nuit sont un petit concert nocturne à écouter…
Alain Crozier, Chants d’un oiseau de nuit, Jaques André éditeur, 2014
20:09 Publié dans Chroniques