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31/01/2014

COMME J'AI BESOIN

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Mon coeur ce sont les questions de l'enfant

Le lait du manque

Les miroirs du sang de l'oiseau

Un cimetière d'un pigeon domestique

Comment établir une trêve avec mon coeur

Comme ma chanson a besoin

de porter les plumes de l'âme

Comme mon épouse a besoin de se préparer

pour la braise de ma lèvre

et les feux de mes doigts

Et moi comme j'ai besoin

d'ouvrir

avec la lumière les fenêtres

de mon coeur pour la journée

 

Tarek Al Karmy, "Comme j'ai besoin" in Poésie de Palestine : anthologie rassemblée par Tahar Bekri, Al Manar, 2013

19:47 Publié dans La poésie des autres

01/01/2014

Stolons

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Ne plus exister qu’à soi-même

Chercher l’indifférence à l’autre

Pour mieux résister… Mais à quoi ?

 

Faut-il s’exiler disparaître

Sans se lasser de n’être plus ?

 

Plus qu’un avers décoloré

À l’œil vitreux au souffle court ?

 

Non. L’enjeu est de faire face

Et d’avoir un regard-aimant

Seul et unique dénouement

 

Gérard Gâcon, Stolons. Jacques André éditeur, 2013

18:23 Publié dans La poésie des autres

23/11/2013

VOUS ÊTES MES AÏEUX

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Cécile Guivarch marche sur les traces de ses ancêtres, dans une quête généalogique, guidée par le désir de connaître ces êtres, hommes, femmes, enfants qui l’ont précédée, de savoir qui ils étaient, comment ils vivaient. Ces hommes et ces femmes qui vivaient avant elle, de la lignée desquels elle est issue, viennent hanter ses rêves, habitent son présent. vous êtes mes aïeux / vous vivez dans mon corps / circulez dans mon sang / vous dansiez dans ma tête / avant même ma naissance / tout ce que vous taisez. Extraits de lettres, d’archives, viennent témoigner, des dates sur un état civil, des recherches sur les conditions de vie de l’époque, vos maisons à dormir tous blottis / le four à pain l’eau dans les tonneaux. La sève continue de couler dans l’arbre généalogique, le sang circule, porteur de mémoire, des blancs demeurent entre les branches. Des noms de rues, des prénoms, s’égrènent, sur les photographies en noir et blanc, la dureté du regard s’adoucit. Des pages à imaginer, tenter de reconstituer les champs le blé noir / le lin les pommes de terre / le bouillon dans vos assiettes / vous n’en disiez rien / vos peurs à déranger / vos blessures à guérir. Conditions de vie, donc, mais aussi états d’âme, émotions, ressentis, sont évoqués, reconstituant le portrait de personnes disparues. Je reste longtemps / regarder mon arbre / ce qu’il a de feuilles / remue ensemble avec moi.

Cécile Guivarch, Vous êtes mes aïeux, Éditions Henry, 2013

18:05 Publié dans Chroniques

29/10/2013

CETTE PARCELLE INEPUISABLE

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Marie-Ange Sebasti nous offre un recueil pétillant et frais comme un verre de limonade. Pas de pesanteur dans ces textes, où l’enfance est convoquée à tous les étages. L’enfant du recueil, c’est le poème, celui qui pique de courtes mais violentes colères, qui trépigne d’impatience pour sortir. Un enfant turbulent qui démonte les lucarnes / et défie les étoiles / sans jamais grandir en sagesse. L’enfant, le poème, permet au regard de se perdre à l’horizon, de dialoguer avec les anges. Il est une invitation à un voyage aux quatre saisons des déserts ; les mots naviguent autour du monde, s’assoupissent au cours de longues escales, puis reviennent à quai, la peau hâlée. Marie-Ange Sebasti explore avec beaucoup de malice cette parcelle inépuisable qui permet une échappée belle, et de s’affranchir du gris des jours et des peurs du passé. Son recueil prend délibérément le parti du bonheur. J’exerce mes pinceaux / à rattraper la joie / sur la ligne de fuite. Retrouver son cœur d’enfant, c’est aussi ne pas se prendre au sérieux, conserver un brin de fantaisie et de légèreté. On ne se lasse pas de ces images où s’exerce l’imagination, ni de ces souvenirs du jardin du Palais-Royal où une nuée d’enfants migrateurs / virevoltait. Un beau recueil.

Marie-Ange Sebasti, Cette parcelle inépuisable, Jacques André éditeur, 2013

19:08 Publié dans Chroniques

02/10/2013

AU COEUR DE LA ROYA

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Monastère de Saorge. Crédit photo : Paul Silici

 

Françoise Siri a écrit ce recueil au cours d’une résidence d’écriture dans le monastère de Saorge, petit village médiéval à flanc de colline des Alpes maritimes, au cœur de la Roya. Les premiers textes s’attachent à dépeindre la montagne qui porte le village, la roche, le pavé italien, à les rendre vivants. Les images convoquent les sens pour doter de vie le paysage : sur le rocher la verte agreli a le goût acidulé de l’enfance. L’église et le cloître sont dépeints : partout des mains / Des mains offertes des mains ouvertes, des anges et une croix. Les murs du couvent sont ornés de fresques à moitié effacées, d’un gros médaillon tendre comme un biscuit / Rose guimauve et vert anis ; les fresques sont en lambeaux, la peinture, délavée, effacée par les âges ou par la main de l’homme. Les personnages de ces fresques sont défigurés et ici, c’est la souffrance qui perce, La fresque saigne blanc. Plus loin sont évoquées les veuves du village, et c’est la mémoire qui resurgit, celle d’avant la guerre, avec les scènes de bal où les filles dansaient pour trouver un mari. Au cœur de la Roya a la saveur des biscuits d’antan au goût délicat et tendre, friables comme les vestiges du passé.

 

Françoise Siri, Au cœur de la Roya, Éditions Henry, 2013

10:08 Publié dans Chroniques

30/08/2013

JOUR

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« Jour » se présente comme une succession de tableaux, fragments du point de vue ou du monologue intérieur d’un narrateur qui décrit ce qu’il voit, se souvient du passé, ou s’adresse intérieurement à la femme qui l’a quitté. C’est le même « Je » qui s’exprime, que ce soit pour évoquer un homme endormi sur le sol, la ville où se répand le bruit / sourd des quotidiens / mécaniques, ou pour revenir sur sa vie d’autrefois, sur le visage de la femme aimée, qui lui a échappé. La frontière entre le narrateur et les hommes sur lesquels il porte son regard est ténue, tant ils semblent aussi perdus, démunis et dénués de perspective les uns que les autres. Cette focalisation est un prétexte pour évoquer les corps empêchés, les vies frappés d’amnésie. Ce matin le ciel / ne s’ouvre pas / et la peur sourd / des murs. Pour le narrateur, l’ouverture, même sans issue, est dans le passé, sans cesse ressassé. Dans le souvenir des enfants d’Amérique des années trente dont les photographies ont hanté la vie d’écolier. « Jour », finalement, se termine par une échappée, sur le port où le vent fouette le visage. Je bois jusqu’à plus soif la lumière / du jour.

Jean-Jacques Marimbert, Jour, Éditions Les Carnets du dessert de lune, 2013

10:26 Publié dans Chroniques

29/06/2013

CETTE PARCELLE INÉPUISABLE

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Bientôt crépiteront

des mots déconcertants

sur la laine de mes tapis

 

Des appels impatients

ébranleront toutes mes portes

 

Des colères violentes

mais courtes voleront

au jardin son silence

 

Bientôt l’enfant de ma maison

après son long sommeil

 

m’éveillera

 

Marie-Ange Sebasti, Cette parcelle inépuisable. Jacques André éditeur, 2013

13:44 Publié dans La poésie des autres

14/06/2013

PASSANT L'ÉTÉ

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Ce soir les rires roulent sur la plage. On les entend tomber des gorges avant de s’évanouir. Ils ne ressortent pas mais leur écho traîne encore quelques secondes. Quelques secondes bien mûres pendant lesquelles la légèreté se répand sur les doigts. Quelques secondes trop juteuses. Quelques secondes que l’on dévore comme de petits matins sucrés. Et frais. Délicieusement fragiles.

La nuit est claire. Le feu crépite. La fumée nous pique les yeux. On est repu.

 

Jean-Baptiste Pedini, Passant l’été. Cheyne éditeur, 2012, p. 17

18:55 Publié dans La poésie des autres

26/05/2013

PLUS TARD, ENCORE

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peu à peu le monde

est venu sur les lèvres

venu des mots du dedans

venu des mots du dehors

les lèvres sont

lisières

                   clairières

orée de la forêt des mots

 

peu à peu le monde

est venu

         visage

et d’autres visages

(et le verbe embrasser

est revenu

                  du brasier du monde)

 

 

Michaël Glück, Plus tard, encore, pré # carré, décembre 2012

10:33 Publié dans La poésie des autres

21/04/2013

LE JASMIN, LA NEIGE, l'ENFANCE

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J’ai seulement des choses très simples

le soleil s’est découpé peu à peu comme

ma mère découpait le pain

nous mettons la soupe sur la table

(ces choses au-dehors qui tombent lentement,

le jasmin, la neige, l’enfance)

goût de piments rouges et de dents heureuses

nos corps nous tiennent encore chaud quelque temps

dans l’âge avancé de la nuit.

 

Lorand Gaspar, Sol absolu, Poésie/Gallimard, 2001, p. 62

10:54 Publié dans La poésie des autres