03/05/2008
LE SEPTIEME SOMMET
J'ai pour te bâtir un tombeau
des mots du soleil et des rêves,
rien qui appartienne au poids du monde,
rien qui t'impose une mort enchaînée,
rien qui ralentisse ta course plus haut
que tous les sommets.
Tu vois je t'invente
un tombeau sans dorure,
sans marbre ni couronne, je t'élève
moins qu'une stèle perdue dans le désert,
je t'offre un souffle de sable et de vent,
tombeau d'oiseau migrateur,
tombeau de papillon bleu,
tombeau de cerf-volant.
Au plain-chant de l'univers
tu es le rire de la pure lumière,
la joie sans ombre qui donne
et donne encore présence à l'impossible,
comme ce poisson que tu léguais au ciel
ou ces fleurs qui acceptaient pour toi seule
d'éclore sous la lune.
Alors depuis les ténèbres où je suis,
moi le quasi-mécréant je te crie
que s'il est une autre Jérusalem,
tu es ma femme céleste.
André Velter, Le septième sommet : poèmes pour Chantal Mauduit, NRF Gallimard, 2000, p. 9-10
14:03 Publié dans La poésie des autres
FISSURES ET VOIX
Le socle vacille
En quelle terre
Tomber Se briser ?
À quelle roche
Se mesurer
Les doigts entaillés
De parois sombres
Et profondes
Le cœur obscurci ?
Au centre du noyau
La lumière s’écartèle
Repousse les parois
Fissures
Et voix
Recueil inédit
12:32 Publié dans La poésie des autres
COEUR
Suffit d'une bougie
Pour éclairer le monde
Autour duquel ta vie
Fait sourdement ta ronde,
Coeur lent qui t'accoutumes
Et tu ne sais à quoi,
Coeur grave qui résumes
Dans le plus sûr de toi
Des terres sans feuillage,
Des routes sans chevaux,
Un vaisseau sans visages
Et des vagues sans eaux.
Mais des milliers d'enfants
Sur la place s'élancent
En poussant de tels cris
De leurs frêles poitrines
Qu'un homme à barbe noire
- De quel monde venu ? -
D'un seul geste les chasse
Jusqu'au fond de la nue.
Alors de nouveau, seul,
Dans la chair tu tâtonnes,
Coeur plus près du linceul,
Coeur de grande personne.
Jules Supervielle, Gravitations, NRF Poésie/Gallimard, 1994, p. 150-151
11:57 Publié dans La poésie des autres
02/05/2008
ET VIVRE ETAIT SUBLIME
Elle se précipita lorsque la sonnette retentit. Mais arrivée dans le vestibule, elle fit demi-tour. Avait-elle bien enlevé la poudre ? De retour au salon, elle resta devant la glace, s'y regarda sans s'y voir. Le sang battant à ses oreilles, elle se décida enfin, s'élança, faillit tomber, ouvrit la porte. Comment allez-vous ? lui demanda-t-elle avec le naturel d'un chanteur d'opérette faisant du parlé.
[...]
Lèvres tremblantes, elle lui proposa une tasse de thé. Il accepta avec impassibilité. Guindée, les joues enflammées, elle versa du thé sur le guéridon, dans les soucoupes, et même dans les tasses, demanda pardon, tendit ensuite d'une main le petit pot à lait et de l'autre les rondelles de citron. Laine ou coton ? demanda-t-elle. Il eut un rire, et elle osa le regarder. Il eut un sourire, et elle lui tendit les mains. Il les prit, et il plia le genou devant elle. Inspirée, elle plia le genou devant lui, et si noblement qu'elle renversa la théière, les tasses, le pot à lait et toutes les rondelles de citron. Agenouillés, ils se souriaient, dents éclatantes, dents de jeunesse. Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime.
Albert Cohen, Belle du Seigneur, NRF Gallimard, 1995, p. 386-387
16:25 Publié dans La poésie des autres
BIO-BIBLIOGRAPHIE
Née en 1974, Valérie Canat de Chizy vit et travaille à Lyon. Elle collabore à la revue Verso et au site Terre à ciel.
Présente dans les revues de poésie Décharge, Verso, Friches, Comme en poésie, Arpa, Traces, Poèmes épars, La Licorne d'Hannibal, Cabaret, Coup de soleil, Traversées, Traction brabant, Saraswati, Osiris, Cairns, Spered Gouez.
Sur internet : Les mots plus grands que nous, Ce qui reste, Paysages écrits, Incertain regard, Recours au poème, Terre à ciel.
Bibliographie :
caché dévoilé, Jacques André éditeur, 2019
Nuit : livre d'artiste. Poèmes de Valérie Canat de Chizy, encres de Colette Reydet. Revue Ce qui reste, 2018
Le poème correspondant (avec Marie-Noëlle Agniau), La Porte, 2017
l'écriture la vie, Le Petit Rameur, 2017
Je murmure au lilas (que j'aime), Editions Henry, 2016
La clarté jaune du soleil, Les éditions du Petit Flou, 2016
L'étoffe de la nuit : livre d'artiste. Textes de Valérie Canat de Chizy, pastels de Gilbert Desclaux, 2016.
Poetry, Jacques André éditeur, 2015
Le bruit des abeilles (avec Cécile Guivarch), La Porte, 2014
Muraille de Chine, pré # carré, 2014
Ombre solaire, La Porte, 2013
Boréale, Encres vives, 2013
Talisman, L'Harmattan, 2013
La chambre des parents, La Porte, 2012
Créer l'ouvert, éditions de l'Atlantique, 2011
Pieuvre, Jacques André éditeur, 2011
Pierre noire, éditions de l'Atlantique, 2010
Même si, pré # carré, 2009
Fissures et voix, Encres vives, 2009
Entre le verre et la menthe, Jacques André éditeur, 2008
Il y a des lunes, Encres vives, 2008
Le chant de l'ange, Encres vives, 2007
La mer, peut-être, Encres vives, 2006
Échos, Encres vives, 2006
Recueils collectifs :
Anthologie "Dire oui" proposée par Florence Saint Roch sur le site Terre à ciel, 2021
Le courage des vivants. Anthologie dirigée par Christine Durif-Brucker et Alain Crozier. Jacques André éditeur, 2020
Duos : : 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à partir de 1970. Anthologie dirigée par Lydia Padellec. Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 2018
Little Big Book Artist - LYON, livre d'artiste réalisé avec André Jolivet (peintre). Textes de Samantha Barendson - Valérie Canat de Chizy - Pauline Catherinot - Mohammed El Amraoui - Frédérick Houdaer - Sabine Huynh - André Jolivet - Rodrigue Lavallé - Hélène Massip - Jean-Jacques Nuel - Christophe Petchanatz - Fabienne Swiatly - Khal Torabully, 2017. Pour en savoir plus, voir la page consacrée à André Jolivet sur le site Terre à ciel.
Momento nudo, Anthologie de l'Arbre à paroles, 2013
L'abandon des sources. Haute-Loire par Guylaine Carrot chez Jacques André Editeur. Recueil de photographies et de textes avec 19 écrivains et poètes, 2012
Lectures :
Librairie La Virevolte. Lecture de "caché dévoilé", 14 novembre 2019
Ateliers des Terreaux, avec Grégoire Damon, Marlène Tissot, Martin Laquet, Fabien Drouet, le 16 mars 2018
Lecture Verso, avec Florentine Rey et Barbara Le Moëne, salle Bourgelat (Lyon 2ème), le 2 février 2018
Bibliothèque municipale de Lyon 2ème : lecture collective du Little Big Book Artist - LYON, avec Samantha Barendson, Pauline Catherinot, Mohammed El Amraoui, Frédérick Houdaer, Sabine Huynh, André Jolivet, Hélène Massip, Jean-Jacques Nuel, Khal Torabully, le 12 octobre 2017
Librairie Les yeux dans les arbres (Lyon Croix-Rousse), avec Chloé Landriot, le 28 septembre 2017
Librairie Vivement Dimanche (Lyon Croix-Rousse), avec Katherine L. Battaiellie, Grégoire Damon et Jean-Baptiste Cabaud, le 10 mars 2016
Théâtre d'Aurillac, le 2 février 2016, dans le cadre des "Moments poétiques d'Aurillac"
Galerie Mandon (Lyon 2e), lecture de "Poetry" avec Muriel Carrupt et Nicolas Guay (guitare), le 22 octobre 2015
Coïncidences poétiques (Patadôme d'Irigny), avec Patrick Dubost, le 19 novembre 2013
Agend'arts (Lyon 4e), avec Marie-Ange Sebasti et Alain Wexler, le 5 juin 2013
Librairie La Lucarne des écrivains (Paris), lecture Verso, le 19 avril 2013
Paroles en Archipel (BM Lyon 8e), avec Michel Dunand, le 7 décembre 2012
Pour me contacter : canatdechizy.valerie@free.fr
12:40 Publié dans Bio-Bibliographie
LE SILENCE SOUS LES FEUILLAGES
rondeur d'un ballon
oublié
sur le rebord d'une table
restes de dessert
fondant au chocolat
framboises fraîchement cueillies
couverts d'argent
au loin résonnent des voix
des rires
le rocher penche
la source le recouvre
le silence sous les feuillages
cisèle le temps
entre le verre et la menthe, Jacques André Éditeur, 2008, p. 41
03:40 Publié dans La poésie des autres
LA FOLIE LA DOUCEUR
La folie la douceur, des textes en prose, pour chaque texte, une page, et une seule phrase. Cela commence avec une chirurgie du coeur, s'opérant à l'aide de tout un arsenal d'épingles et d'aiguilles qui percent, entaillent, déchirent la chair, la peau. Elle commence à vomir, à perdre ses ors, le gilet ses passements, et qu'en tirant sur la nappe la vaisselle dégouline. Paysage de dévastation, l'intérieur et l'extérieur s'imbriquent, elle dit que son bras passe à travers la verrière, qu'il y a des éclats, des phrases coupantes, que ça déchire les cris, le jardinet, le manteau élimé montrant sa trame. Trame d'une enfance brisée sur laquelle vient s'ajuster le sang d'une passion destructrice. Parce que c'est trop rouge, il faut qu'elle meure, qu'elle ne franchisse pas le seuil de la chambre, qu'elle ne dépasse pas les marques à la craie, le contour du corps sur le trottoir, qu'elle se protège du souffle, des métaux projetés. La douceur survient dans l'annulation de la vie, de l'existence, quand il n'y a plus de sang dans les veines, plus de traces sous la peau. Parce que l'amour est lié à la folie, il faudrait enterrer le coeur, le coeur qui est une tombe, un trésor, un mystère si profond que l'on voudrait s'en défaire, le lâcher contre le sol, l'oublier, le perdre, le briser en mille et un morceaux. Elle dit qu'il peut partir, que les oiseaux chantent, que le coeur brise le coeur. Il suffit qu'un oiseau s'envole dans le ciel pour que s'écarte le rideau de pluie, la mousseline accrochée au ciel et le ciel à la pluie. Et tout ceci, le ciel, les oiseaux dans le ciel, les branches du grand arbre, tulipier touchant le ciel, tout ceci, les roses, rien que les roses, l'épingle, le parfum, le ponceau de l'aiguillier je te le donne, et tout cela est pour toi.
Anita J. Laulla, La folie la douceur, Atelier de l'agneau, 2006.
Chronique publiée dans Verso n°130 (sept. 2007).
01:50 Publié dans Chroniques
COMMUNE PRESENCE
Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière.
Nul ne décèlera votre union.
René Char, Commune présence, NRF Poésie/Gallimard, 2005, p. 6-7
01:35 Publié dans La poésie des autres
01/05/2008
ENTRE LE VERRE ET LA MENTHE

Ce livre a été écrit dans un esprit de résistance.
Comment nommer l'aliénation, quand la singularité est menacée par le joug du conformisme et de la négation ?
Résistance face à l'adversité, alors que ma liberté individuelle a été fortement remise en question.
Je remercie celles et ceux qui m'ont accompagnée, de près ou de loin, m'ont encouragée à poursuivre ce chemin merveilleux et tortueux qu'est la poésie.
22:55 Publié dans La poésie des autres