24/05/2008
MON HISTOIRE
Mon histoire
Est un collier de perles
La plupart sont fausses,
Rabougries et noircies,
Les autres sont clinquantes
Mais bien trop décalées
Mon histoire
Est un collier de perles
Désordonnées.
Ma si tenace solitude
Je te veux moins
Je te veux en allée
Même si
– flocons de neige
sur les ardoises grises –
Clochent
Les cygnes
Sur le parvis.
20:01 Publié dans La poésie des autres
MANTEAU DE PLUIE
Manteau de pluie
Emeraudes
dans mon ventre
Des mains se glissent
entre les feuillages
Le voile le garder
pleine lune
De ma cachette
je chante
des berceuses d’antan
Recueil en cours d'écriture
Valérie Canat de Chizy
Tous droits réservés à l'auteur
11:00 Publié dans La poésie des autres
23/05/2008
JE TE PASSE SOUS SILENCE
Je te passe sous le silence
sans la moindre précaution
tant pis
si ta robe de papier se froisse
de mon fait divers
tant pis pour toi
je te passe sous silence
et le duplicata de mes rêves
se révèle mal imprimé
ne dis mot
pour me confondre
à mon vis-à-vis
qui volte face et vorevilte
et virevolte et vire face
pour éviter de front me faire
moi qui face ne lui tient point
je te passe sous silence
et le double de mes rêves
se révèle inapte au cadenas nocturne
ne dis mot
pour me confondre
avec toi-même
***
je te couds la bouche
avec du fil à plomb
et l'aiguille de fer qui perce
le bois du coeur des statuettes
teintes d'un bleu foncé
foncé comme un rouge clair ou comme un violet
qui tire sur le vert
et le vert tombe à terre touché en plein ventre
je recueille le vert au creux de ma main
le monde est sans herbe
je te passe sous silence
et ce drap de veuve jeté sur tes épaules nues
c'est la pudeur nocturne
je te passe sous silence
je te passe sous silence
et tant pis pour toi
bouche cousue et tympans qui vibrent
ton coeur fait son vide de sang
Jacques Morin, Une fleur noire à la boutonnière, L'Idée bleue, 2007, p. 75-77
17:55 Publié dans La poésie des autres
PINOCCHIO
Tu as un sein plus grand que l'autre
C'est toujours ma gauche chez toi
Lorsque tu fais mentir ton coeur
Comme un grand nez de Pinocchio
Qui me sort souvent par le dos
Pour faire un pied de nez au monde
Quand terriblement tu me manques
Et que je t'enlace si fort
Tu as un sein plus grand que l'autre
Ma chérie C'est ma gauche en toi
Tu vas boiter de la poitrine
Et trébucher à chaque marche
Lorsque tu fais mentir ton coeur
Qui redevient terre d'amour
Et qu'on ne peut plus rien se dire
Comme si nous étions en guerre
Tu as un sein plus grand que l'autre
Et nous boitons de la poitrine
C'est toujours à gauche chez nous
Même quand on nous tire à droite
Lorsque tu fais mentir ton coeur
Notre grand nif de Pinocchio
Et nous boitons de la poitrine
Avec ton sein plus grand que l'autre
El Mehdi Chaïbeddera, Coeur gaulé, supplément au Rétro-viseur n°97 (2004)

16:38 Publié dans La poésie des autres
22/05/2008
UNE ÉTOILE TIRE DE L'ARC
Toutes les brebis de la lune
Tourbillonnent vers ma prairie
Et tous les poissons de la lune
Plongent loin dans ma rêverie.
Toutes ses barques, ses rameurs
Entourent ma table et ma lampe
Haussant vers moi des fruits qui trempent
Dans le vertige et la douceur.
Jusqu'aux astres indéfinis
Qu'il fait humain, ô destinée !
L'univers même s'établit
Sur des colonnes étonnées.
Oiseau des Iles outreciel
Avec tes nuageuses plumes
Qui sais dans ton coeur archipel
Si nous serons et si nous fûmes,
Toi qui mouillas un jour tes pieds
Où le bleu des nuits a sa source,
Et prends le soleil dans ton bec,
Quand tu le trouves sur ta course,
La terre lourde se souvient,
Oiseau, d'un monde aérien,
Où la fatigue est si légère
Que l'abeille et le rossignol
Ne se reposent qu'en plein vol
Et sur des fleurs imaginaires.
Une étoile tire de l'arc
Perçant l'infini de ses flèches
Puis soulève son étendard
Qu'une éternelle flamme lèche,
Un chêne croyant à l'été
Quand il n'est que l'âme d'un chêne
Offre son écorce ancienne
Au vent nu de l'éternité.
...
Une étoile tire de l'arc... Une étoile tire de l'arc... Une étoile tire de l'arc
Jules Supervielle, Gravitations, NRF Poésie/Gallimard, 1994, p. 98-99
20:59 Publié dans La poésie des autres
PALPITATIONS
Ce qui couve
Au centre
Est comme
Une seconde naissance
Qui émet
À l'intérieur
Ses premiers signes de vie
Cela s'agite
Donne parfois
De petits coups de talon
Cela gargouille
Et quand la voix
S'élève
Cela vibre et résonne
Comme un enfant
Qui palpiterait au-dedans.
La mer, peut-être, Encres vives, Collection Encres Blanches n° 268, 2006
16:23 Publié dans La poésie des autres
CÔTÉ JARDIN
Romain Fustier tient la chronique saisonnière d'un jardin, celui que l'on cultive, mais aussi celui que l'on porte en soi. L'absence de majuscules et de ponctuation, la régularité des vers transcrivent une succession d'impressions croquées sur le vif. Le jardin est le lieu où l'on est en prise directe avec les éléments ; les saisons s'y succèdent, l'été s'en va dans la brouette d'hortensias aux / fleurs fanées qu'on débarrasse ainsi sécateur / sorti un dimanche de rentrée. Novembre amène la pluie et la boue, son poids de mémoire historique, façons d'arbres ce ne sont plus rien que des / que j'observe sur l'almanach vivant du jardin / dans la lésine des feuilles tombées de l'hiver. La vie du jardin se répercute sur la vie intérieure. En été, on y savoure la douceur du soir : la lune se penche sur le noisetier il fait / un temps à boire un thé sur la terrasse une / nuit d'août mais nous sommes en juillet et / ce sera un sirop de fruits rouges que nous / dans la douceur du soir finalement boirons. La culture est ici à prendre dans sa double acceptation : culture de la terre, des plantes, mais aussi lecture ou écriture, que faire s'il pleut dimanche délaissant le jardin / nous retrouverons nos papiers sur la table en / bois dévoré par des vers qui font de petits trous / dans le réel en s'alignant dans des carnets des / blocs qualité vélin surfin quatre-vingt grammes. Rêverie, parfum de thé au jasmin et de la gelée de coing, arômes, plénitude de l'errance, c'est aussi cela que l'on trouve côté jardin.
Romain Fustier, Côté Jardin, Encres vives, Collection Encres Blanches n°258, 2006
Chronique parue dans Verso n° 130 (sept. 2007)

12:20 Publié dans Chroniques
21/05/2008
MUSIQUE ET LUMIERE
Le premier accord est une déchirure d'espace
D'un geste nous voilà si loin de ce temps
Avec l'immensité des déserts ouvrant sur une mer immense
Ô mémoire, enfance pleine de mirages
L'aridité scintille
C'est du crépuscule à l'inconnu un cortège de présences et de souffles
Où toute chose prend un écho divin
C'est l'heure de l'univers comme harmonie de mystères
***
Souffle sans fin souffle d'au-delà des âges
Bivouac du vent dans les roselières
Souffle porteur des limons du temps
Et pourtant chant d'un esprit pur
À l'aube de lui-même
Une plainte recompose un siècle dispersé
Les frissons du sable
L'attente de l'eau
Une torche dans la nuit
André Velter, L'arbre-seul, NRF Poésie/Gallimard, 2001, p. 68-69
14:52 Publié dans La poésie des autres
LYON
Lyon,
Ville aux facettes
Multiples
Se réverbérant
Dans les vitres
Bords de Saône
Le soleil
Haut
Sur le cadran
Jonglent les parures
Ocres, jaunes, roses
Des immeubles
Lyon,
Tes cathédrales
À la fraîcheur
Apaisante
Tes pavés
Inégaux
Dans les ruelles
Calmes
Tuiles vues
Depuis la colline
Jardins secrets
Aux plantes grimpantes
Et jeux d'enfants
Lyon, à jamais
Coeur
De lion
12:05 Publié dans La poésie des autres
ECRIRE SUR LE VENT
Pour écrire sur le vent
Je voudrais
Des mots tracés
De vos mains
Des pots de peinture
Jetés par flaques entières
Paroles de lumière
Laisser dans mon dos
Les courbes arquées
Des araignées
Les fils tous les fils
Courroies
Liens
Ligaments
07:00 Publié dans La poésie des autres



