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08/07/2008

NOUS VOUDRIONS

Nous voudrions emplir nos besaces de coques de châtaignes d’écorces de noix de mûres nos bras griffés noirs des vendanges les grains éclatant au fond de la cuve la fraîcheur des celliers quand dehors le raisin se désagrège encore de mûrir le vin aura la couleur d’une belle feuille d’automne chaude des derniers rayons nous marcherons à l’ombre des tilleuls chuchotant de peur de troubler la quiétude cet instant privilégié même les murs semblent pensifs nous oublierons nos petits tracas grands comme des maisons grandissant à l’intérieur de nous si faibles que nous sommes de les tenir à distance parce que c’est toujours nous le bleu marquant nos bras le violet sur la pommette c’est toujours nous quand l’autre est l’étranger celui que nous ne percevons pas nous avons mis des barrières entre nous afin que chaque souffrance reste intacte à l’intérieur de soi et ne coexiste pas avec celle de l’autre afin que le monde soit une nuée de petites bulles de souffrances détachées les unes des autres et qu’enfin en un essaim les moucherons s’élèvent dans la forêt alors que la fraîcheur tombe

08:10 Publié dans La poésie des autres

06/07/2008

LA COURBE DOUCE DE LA GRENADE

Dans ces pages, Anne-Lise Blanchard évoque des vies quotidiennes où le bonheur fragile côtoie le désastre, celui lié à la perte irrémédiable d’une terre qui a marqué à jamais ceux qui l’ont quittée, dans l’exil : l’Algérie. Nul ne peut imaginer le poids de larmes et de mort supporté par ces milliers de personnes que l’Histoire a condamnées à s’arracher à leurs racines pour rejoindre une terre étrangère appelée France, que d’aucuns ne connaissent alors que de nom. La petite fille de cinq ans se souvient, mais beaucoup plus tard. De l’avant, puis de l’après. Souvenirs d’enfance, du square, des sandales blanches, de la petite chambre pleine et chaude à l’intérieur de soi, quand le beignet est achevé. La famille aussi, et puis ceux que l’on n’a pas vraiment connus, mais dont on a entendu parler, plus tard, bien plus tard. Il y a Claude, ses vingt-hui ans innocents, c’est Pâques, et c’est la première fois depuis qu’il quitte cette bourgade heureuse au nom prédestiné qu’il retourne chez lui, dans la grande ville blanche qui s’élève au-dessus de la mer. Il ne sait pas ce qu’est la guerre. Il découvre les impacts de balles sur les murs, le trépignement des armes, les sirènes, les cris. Il vient retrouver Nicolette, qu’il connaît depuis si longtemps. Nicolette, qu’il ne reverra pas, car elle fait partie des victimes de la radio. Il y a le voyage des anges de ceux qui n’ont pas supporté de rester en vie. Il y a la mémoire du poisson frais ou bien grillé au feu de bois, du vin encore vert, à laquelle se superposent, nuages qui passent, celles du jasmin en treille et des beignets de capucines. Il y a Nedjma et ses tresses épaisses. Et puis, quelque part entre terre grise et ciel gris, il y a Anna, revenue sur les pas de son enfance, celle d’après la séparation. Anna, qui ravale son haut-le-cœur, ou son sanglot, elle ne saura pas. Son regard sur la ligne d’horizon sous le coucher de soleil n’a plus la courbe douce de la grenade.

 

Anne-Lise Blanchard, La courbe douce de la grenade, Cahiers bleus / Librairie bleue, 2006

 

(Verso n°130)

12:00 Publié dans Chroniques

02/07/2008

SOUS-BOIS

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En ce lieu de feuilles

filtre la lumière

 

écorce palpite sève

 

Juste nous asseoir

 

et laisser le calme

infuser chacune

de nos parcelles

 

particules de vie

mêlées de terre et d’eau

 

montent du sol

à travers nous

 

tresses de légèreté

descendent sur nos têtes

 

se mêlent

à nos pensées

 

Cellules dansent

dans le sous-bois

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23:45 Publié dans La poésie des autres

30/06/2008

DENTELURES

Dentelures de pierre368f54bd7de49a4bdf093cb61460a20c.jpg

            dans la délimitation

            de l’infini

À portée de main

            la haute altitude

            le fracas des roches

            bleu où s’engouffrer

            jusqu’à la démesure

Sur le papier

            traces de sang

            d’un insecte

            pris au piège

            du rouleau compresseur

     

Le silex à la pointe

            des lances                                                    

            aiguise

            sa victoire

10:50 Publié dans La poésie des autres

26/06/2008

TOI QUI SAIS

Toi qui sais

Parle-nous de lilas

Ou de magnolias

Nous qui retenons les noms

Sans saisir la voie du don

De la sève qui gonfle en secret 

            chaque grappe chaque pétale

Toi qui sais

Apprends-nous à être

Pure couleur pure senteur

Rejoignant de cercle en cercle

Toutes couleurs toutes senteurs

            dans l’abandon à la résonance

Toi qui nous renvoies 

            à notre nom

Apprends-nous à être

Racine de l’oubli

            et fleurs de l’absence

 

 

François Cheng, À l’orient de tout, Poésie/Gallimard, 2005, p. 67-68

 

 

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20:25 Publié dans La poésie des autres

19/06/2008

OISEAU

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Pourquoi me tires-tu par

                        la manche

                        oiseau

                        abreuvée de nectar

                        j’observe les abeilles

                        voler des fils

                        pour leur reine

 

20:20 Publié dans La poésie des autres

18/06/2008

MON AMOUR EST UNE FORÊT

Mon amour n’est pas enclos

         je le vois comme un café

 

         tasse grande

         et madeleine 

 

         exhalaisons du passé

 

On se parle entre nous

 

                                pourquoi tu me réponds pas

                                 que caches-tu es-tu si grand

                                        que nous ne puissions nous voir ?

 

Mon amour est une forêt

         qui cache l’arbre.

 

 

 

 

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20:15 Publié dans La poésie des autres

17/06/2008

CABANE

Il est des mystères

Les rencontres en font partie

 

On se heurte à une haie

On s’empêtre

 

Fracas d’étoiles

Pluie de météoresc653a077b68d7de4dbf8ae28f482e859.jpg

 

La foudre frappe

L’arbre de la clôture

 

L’arbre tombe

Le bois se brise

 

Délivre les cornes

Prises dans la clôture

 

Les tempes tressaillent

Le sang pulse

 

Ciel de plomb

Au-dessus du pré

 

Les gouttes s'abattent

 

On court jusqu’à la cabane

 

Reste de cendres

Banc défaillant

 

Sortir livre

De poèmes.

20:00 Publié dans La poésie des autres

16/06/2008

MA PETITE SOEUR

Ma petite sœur,

Ton prénom est couleur

D’eau de mer

 

Tant d’années entre nousfe99f580820741333ffbb056266d89b4.jpg

Pour nous éloigner

 

Ta fille est belle

Comme une aurore

 

Je sème des mots

Que tu n’attraperas

Peut-être jamais

 

Je suis ton aînée

Et j’ai tant à grandir

Encore

 

Je sème des mots

À défaut d’enfanter

 

Des mots pas toujours

Papillons

 

Je crains les chenilles

Et me pique avec moi-même.

13:45 Publié dans La poésie des autres

13/06/2008

MER

La mer enfouie, vague d’écume,

Déferle jusqu’à

Teinter de bleu les feuillages,

Les canards emmitouflés dans leur plumage

Les rives du mince canal

Où stagne l’eau sombre

 

Tes pas traversent l’espace

 

En apesanteur tu marches

Tandis que l’univers

Se fond dans ton sillage

Et que tu t’effaces

 

Transparente

 

Fluide comme l’eau

Profonde comme la mer

 

(Échos)

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21:05 Publié dans La poésie des autres