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04/06/2008

LA LICORNE D'HANNIBAL

La Licorne d'Hannibal est une revue artistique et littéraire basée à Perpignan. Cette revue collective est celle du "Cercle des Authentiques Cabochards de l'If". Chaque numéro axe sa thématique sur un artiste et un écrivain, le plus souvent méconnus du grand public, et propose une sélection de textes des Cabochards de l'If.

La diversité, l'originalité, l'ouverture d'esprit caractérisent cette revue. Au niveau artistique – photographie, sculpture sur pierre, sur bois, peinture, aquarelle, dessin... – La Licorne d'Hannibal nous surprend par sa capacité à se renouveler.

Les derniers dossiers étaient consacrés à Bernard Combes (n°16), Gérard Jaubert et Pascale Oriot (n°17), enfin Ganbaatar Choimbol : une histoire de la Mongolie tout en dessins et Marc Espelta, qui réhabilite de manière personnelle les mots obsolètes, rares et oubliés (dernier n°18).

Longue vie à La Licorne !


licornehannibal@wanadoo.fr

23:50 Publié dans Chroniques

03/06/2008

FRUITS

mon poids de vie
je te pose
sur la margelle
où dort le chat

dans la clarté jaune paille

je laisse la matière m'imprégner
celle des arbres des feuilles
de la terre

celle que je bois

je ne dépendrai plus de personne
seulement de mon bout de terrain
que je bêche du matin au soir
je récolterai des haricots
des tomates des laitues

des courges pour l'hiver

il y aura des arbres
qui me donneront
des pêches des abricots des poires
des mirabelles que je ferai cuire
pour les tartes les confitures


Entre le verre et la menthe, Jacques André Éditeur
, 2008, p. 18

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19:55 Publié dans La poésie des autres

LE BONHEUR NE DORT QUE D'UN OEIL

Une toile de couleurs pastel où la nature prédomine, bruissante ; une ode à la contemplation où se mêlent inquiétude et espérance. Lise Mathieu sème ses mots comme autant de petits cailloux, afin d'être sûre que l'on pourra toujours la retrouver, dans la fragilité d'être et cette incertitude que l'on devine, tapie derrière les mots. Le jeu d'ombre et de lumière teinte le recueil, et l'on retrouve la marque d'un enfouissement dans lequel voudraient se dissimuler les contradictions douloureuses d'une psyché empreinte de profondeur. Tant de brouillard de ciel et de vent // Et les mortels embrassements / De l'ombre et de la lumière. La douleur est perceptible – J'essaie de retenir // Un peu d'eau / Sous mes paupières // Mais il ne reste rien / Qu'un peu de peau / Beaucoup de pierres –, de même que la mélancolie : Je marche sur mon âme / Qui me suit en boîtant. La présence à la nature apporte ici un souffle, une respiration, la vie alors se remet à circuler : Avec mon feuillage / Un oiseau me traverse / Comme une idée // Des grains de lumière / Et des grains de nuit / Bougent dans mon corps ; une vie en constant va-et-vient entre extérieur et intérieur : J'ai lancé mes pensées / Dans la nuit / Faucons bagués // Toutes mes pensées dehors / Et le vide en moi / Comme une source sans murmure. La peau est comme un voile de réceptivité qui s'imprégnerait du dehors, l'absorberait dans son immensité : La paume du ciel sur mon front / Et les étoiles / Loin derrière. Car le dehors a une âme. Rien / rien d'aussi vrai / Que le regard sur moi / De l'oiseau / Arraché à la nuit. C'est peut-être là que se trouve le secret du bonheur.


Lise Mathieu, Le bonheur ne dort que d'un oeil. L'atelier imaginaire / Le Castor astral, 2006

Chronique parue dans Verso n°131 (déc. 2007)

15:20 Publié dans Chroniques

02/06/2008

FERME

Ferme les agrafes
de ton corset

afin que toujours
droite
tu avances

irréprochable

bien
comme il faut.

13:45 Publié dans La poésie des autres

LA GIFLE

depuis si longtemps

écrire pour défricher
comprendre

cet anéantissement

pulvérisation sans nom
rouleau compresseur

c’était un matin
assise au milieu de mes jouets

de la bouche ouverte de maman
nul son ne sortait

il y eut la gifle
pour ne pas entendre

13:34 Publié dans La poésie des autres

01/06/2008

MOMO (SUITE)

Je suis chez Momo, ma grand-mère chérie, à l'époque où elle vivait encore dans son grand appartement de Tassin. Elle est enfoncée dans son fauteuil ; ses cheveux lui tombent dans la figure ; elle a un serre-tête qui ne tient pas et pend lourdement sur son front. La télé braille. Image de dénuement moral, de laisser-aller.

J'ai envie de lui redonner vie, de lui rendre son physique pour qu'elle se sente exister, car elle n'a plus conscience de son corps. Commence le lavage, dans la salle de bain mal éclairée, aux murs et au sol grisâtres. Je lui mouille délicatement la tête et lui masse le cuir chevelu avec un shampooing Dop aux oeufs dont l'odeur m'est familière : c'est celle des shampooings de mon enfance. Je lui applique ensuite une deuxième crème, susceptible de donner un joli reflet argenté à sa chevelure.

Après le lavage, je l'installe sur une chaise dans la cuisine claire qui donne sur la ville. Avec des ciseaux, j'entreprends de rafraîchir sa coupe. Je tente un dégradé le long de la nuque, un plongeon sur les tempes ; j'élague la frange. Elle a les yeux fermés, heureuse d'être l'objet de soins ; elle ne cesse de me répéter que je suis une perfection.

Avec un sèche-cheveux, je commence un brushing. Je la coiffe avec une brosse ronde, donne du volume à sa coupe. Je vaporise la laque. Elle a toujours les yeux fermés. Je lui parle tout en la coiffant.

À l'aide d'un coton, je lui nettoie le visage, enlève les brins de cheveux ; je la maquille.

Je lui tends une petite glace dans laquelle elle se mire.


(2001)

22:20

MOMO

Je suis passée à Tassin dans le supermarché où je faisais les courses de Momo, ma grand-mère. Elle habitait au dernier étage d’un immeuble, à quelques rues de là. C’est tout un pan de ma vie qui revient. Il me faudrait des pages et des pages pour raconter. Momo, si démunie, chez qui je venais sonner en pleurs en pleine nuit, ayant quitté ma chambre sous les toits et pris le premier bus pour fuir l’atroce solitude. En souvenir, sans doute, j’ai acheté du chocolat blanc aux amandes et abricots, et je le savoure, carré après carré, jusqu’au dernier. C’était cela, aussi, le placard rempli de sucreries que j’ouvrais à peine arrivée. Nous nous délections devant la télévision, les tablettes posées sur les napperons de dentelle, au milieu de tout un bric-à-brac, dé à coudre, lunettes, télécommande, programme TV, articles découpés, bibelots, vieilles photos jaunies sorties des armoires… Enfin, je trouvais quelque réconfort.


31 mars 2008

21:50

LE LION

Le lion gisait sur le flanc, les yeux ouverts, la tête appuyée contre l'herbe. Il semblait attendre que Patricia vînt s'allonger contre lui une fois de plus. Et Patricia, qui n'avait pas encore appris qu'il existait une fin aux jeux les plus beaux, à l'être le plus précieux, Patricia se pencha sur King, voulut soulever la patte tutélaire. Mais la patte était d'un poids sans mesure. Patricia la laissa retomber. Elle tendit alors une main vers les yeux d'or, vers celui qui, à l'ordinaire, semblait rire et cligner. L'expression du regard n'avait plus de sens, plus de nom.

Joseph Kessel, Le lion, Folio Gallimard, 1986, p. 234-235


J'ai lu Le lion de Kessel au lycée, à l'internat. Dans le dortoir, lumières éteintes après 22 h, sous les couvertures, une lampe de poche dans une main, le livre dans l'autre, j'avais du mal à étouffer mes sanglots. Aujourd'hui, mon exemplaire est jauni et corné, mais il est toujours là, dans la bibliothèque bancale. Souvenirs...

10:15 Publié dans La poésie des autres

31/05/2008

SOIT

Soit, rester en deçà
Comme feuille
De ci, delà,
Soit, habiter la faille
Prolongeant l'incertitude
Soit, vibrer d'émotion
Sous apparat de silence
Soit, s'inventer une vie
Se mouvant dans la prescience
Soit, accepter d'être chair d'absence
D'être détachée Sans expérience
De ne vivre que Par résonance
De s'effacer Dans la vacance


Échos, Encres vives, Collection Encres Blanches n°232, 2006

20:17 Publié dans La poésie des autres

CETTE PRÉSENCE

Le temps change.

Panier de cerises
la lumière s'assombrit
enfin
un éclat radieux.

Une poignée de porte
un entrebâillement

c'est là, dans
cette place vacante

nous ne l'avions pas vue
cette présence.

16:55 Publié dans La poésie des autres