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30/05/2008

LES ÉCAILLES DU PAS

Les écailles du pas, dans la barque / pleine du filet des douleurs, ce sont celles de l'enfance. Une enfance qui pèse lourd son fardeau de fêlures. Si ce n'était le cri de l'arbre / sans cesse jeté, / je me dirais enfant de terre / à l'horizon de mes poussières / là où le pas se couche / pour ne plus se lever. Les pas détricotent le monde en camisole. Je marche à l'envers de moi. Et, sur la peau, la longue longe / des désirs tatoués, [...] avides de mordre / jusqu'à l'os de la vie. Dans le silence et l'absence, veille une image, celle du voile / de Véronique, que la jeune femme choisit de suivre, un temps, pour retrouver le goût du miel, l'odeur de l'espérance. Il y a la nuit, où rien n'est encore dit, le pétrin de l'âme, dans la cendre. Il y a le matin qui ne se lève pas, et, dans l'obscurité, le travail de la terre des jours. Au milieu des tâtonnements, le long du couloir sombre, une étincelle, pourtant. En creux, / dans l'entre-deux, / articuler : / peut-être... Alors, la pluie / remonte le temps. Le temps, dont les battements cinglent le visage de ces mots / qui hissent la nuit / à hauteur d'aube, pour laisser émerger l'écriture / de l'endroit. La mort, comme un déclic. À nous foudroyer le coeur, / la mort de l'autre / traverse de vie / nos marécages. Dans la lente saveur du monde, enfin, le matin s'humecte les lèvres, / arrondit son jour / sous le plat de la main. Une pomme au creux / du compotier. / [...] ma peur déposée. / Et les dents du rire / qui remettent à sa place / le drame de vivre.


Isabelle Poncet-Rimaud, Les écailles du pas, Editinter, 2006

Chronique parue dans Verso n°131 (déc. 2007)

11:05 Publié dans Chroniques

27/05/2008

NOS MÉMOIRES ENFOUIES

je revois les lumières
se reflétant dans l’eau
les étoiles la pleine lune

les tessons de bouteille
ont donné de jolis galets
couleur émeraude

aujourd’hui le corail
est d’une beauté à couper le souffle

les Bernard l’Hermite font la course

avec nos masques et tubas
nous plongeons dans la lagune
à la poursuite
de cette faune multicolore

nos palmes ondulent

la transparence s’atténue

nous nous enfonçons dans les profondeurs

attirés par le chuchotement
de nos mémoires enfouies

19:31 Publié dans La poésie des autres

GOÉLAND

D'aurore en aurore
Le goéland s'élance
Frôle l'eau de ses ailes

À chaque recommencement

Il trempe ses plumes
Dans l'aube écarlate

Agrippe de son bec
Les cordelettes terrestres
Et les tire derrière lui
Dans la prescience céleste

Il les emporte au loin
Leurs crochets se balançant
Il les offre au soleil
Et s'éloigne, se retournant,
De temps à autre jetant
Un dernier regard sur
Le brasier incendié.


in La Licorne d'Hannibal n°14 (janvier 2007)

13:05 Publié dans La poésie des autres

26/05/2008

PASSAGE DES SQUALES

En apnée

seul
le ruissellement
du jour

Autant d'éclats
de verre

joues lacérées

tes yeux
que bride

le

passage
des squales

22:00 Publié dans La poésie des autres

ÉMOTION

cet état

– une grâce –

serait un vol suspendu
à mesure d’homme


fil sur la densité de l’air

– une teneur indéfinissable –


eau dans un récipient
transparence

équilibre


justesse parfaite

mon émotion

21:50 Publié dans La poésie des autres

L'AUBE COUPE SES FILS

L'aube coupe ses fils
dépose les paupières sur la terre
Mes bras : deux mâts pour étreindre
les voiles de l'absence

Mes fenêtres sont parties
Il ne reste ni fleur ni livre
rien que moi et les recoins
avec mes fils usés
avec mon corbeau

***

Dans le cancer du silence, dans l'encerclement
j'écris mes poèmes sur l'argile
avec la plume du corbeau
Je le sais : pas de clarté sur mes paupières
plus rien que la sagesse de la poussière

Je m'assieds au café avec le jour
avec le bois de la chaise
et les mégots jetés
Je m'assieds dans l'attente
d'une rencontre oubliée

***

Peu m'importe le possible
joie ou douleurs
Dans mes hymnes j'invente un évangile
je cherche un refuge
un monde qui commence
à la pointe du monde


Adonis, Chants de Mihyar le Damascène, NRF Poésie/Gallimard, 2002, p. 138, 140, 142

13:37 Publié dans La poésie des autres

25/05/2008

RAINURES

la vitre à contre-jour
laisse apparaître
traces de pluie rainures
l'eau la poussière

je distingue mal
le mur en face

la peur
coule dans mes membres

je laisse passer les heures

le chat est paisible
pattes rugueuses et de velours
fourrure profonde

il abrite
une vibrante respiration


Entre le verre et la menthe, Jacques André Éditeur, 2008, p. 8


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14:00 Publié dans La poésie des autres

24/05/2008

MON HISTOIRE

Mon histoire
Est un collier de perles
La plupart sont fausses,
Rabougries et noircies,
Les autres sont clinquantes
Mais bien trop décalées
Mon histoire
Est un collier de perles
Désordonnées.

Ma si tenace solitude
Je te veux moins
Je te veux en allée
Même si
– flocons de neige
sur les ardoises grises –
Clochent
Les cygnes
Sur le parvis.

20:01 Publié dans La poésie des autres

MANTEAU DE PLUIE

Manteau de pluie

Emeraudes
dans mon ventre

Des mains se glissent
entre les feuillages

Le voile le garder
pleine lune

De ma cachette
je chante
des berceuses d’antan


Recueil en cours d'écriture
Valérie Canat de Chizy
Tous droits réservés à l'auteur

11:00 Publié dans La poésie des autres

23/05/2008

JE TE PASSE SOUS SILENCE

Je te passe sous le silence

sans la moindre précaution
tant pis
si ta robe de papier se froisse
de mon fait divers
tant pis pour toi

je te passe sous silence
et le duplicata de mes rêves
se révèle mal imprimé

ne dis mot
pour me confondre
à mon vis-à-vis
qui volte face et vorevilte
et virevolte et vire face
pour éviter de front me faire
moi qui face ne lui tient point

je te passe sous silence
et le double de mes rêves
se révèle inapte au cadenas nocturne

ne dis mot
pour me confondre
avec toi-même

***

je te couds la bouche
avec du fil à plomb
et l'aiguille de fer qui perce
le bois du coeur des statuettes
teintes d'un bleu foncé
foncé comme un rouge clair ou comme un violet
qui tire sur le vert
et le vert tombe à terre touché en plein ventre
je recueille le vert au creux de ma main
le monde est sans herbe

je te passe sous silence
et ce drap de veuve jeté sur tes épaules nues
c'est la pudeur nocturne

je te passe sous silence

je te passe sous silence

et tant pis pour toi
bouche cousue et tympans qui vibrent

ton coeur fait son vide de sang


Jacques Morin, Une fleur noire à la boutonnière, L'Idée bleue, 2007, p. 75-77

17:55 Publié dans La poésie des autres