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02/09/2008

L'AMOUR EXTRÊME

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Épaule de plomb

 

paume légère,

 

 

j’ai porté ton cercueil

 

et caressé ton corps de cendre.

 

 

Une nuit de chacals aux yeux rouges

 

couvre la source de mes nuits.

 

 

Tu me condamnes à n’être plus

 

que par défi, indomptable

 

 

dis-tu, irréductible et pur,

 

mais sans rien à maudire.

 

 

 

André Velter, L’amour extrême, Gallimard, 2002, p. 9

18:55 Publié dans La poésie des autres

01/09/2008

ÉLÉPHANTS

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Visage ancré dans la roche

Pillage de sédiments

Strates strates rictus d’années

Poli de l’arrondi mais au dos

Le petit d’éléphant contre sa mère

Sculptures vivantes chaos

Des grottes emplies de fougères

Où constituer une couche végétale

Le dur emplit le silence

Masses d’ombres sous les arbres

Se mettent en mouvement

Craquelures de la peau

Rugosité des plissures

 

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21:20 Publié dans La poésie des autres

LES ANGES TRANQUILLES

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Je ne connaissais pas Sophie Masson avant de lire le dossier que lui a consacré la revue Décharge dans son numéro 131. Vous que je voyais rire, aimer, danser, parler, chanter, vivre. (…) Et moi qui attendais… Sans oser respirer. Petite fleur sans pétales, sans parfum, sans lumière. (…) Les mots m’accompagnaient, tels des anges tranquilles veillant sur mon bonheur. Discret. Des mots à vivre, des mots pour vivre, quand, et ce n’est plus dévoiler un secret que de dire qu’elle était atteinte d’une terrible maladie (génétique ?) qui la crucifiait, petit corps déformé, sur un fauteuil roulant. Les mots sont ces anges tranquilles, compagnons d’une vie à tisser avec les fibres de l’imaginaire. Sans pathos, ni atermoiements. Sophie s’adresse à un double, ami lointain, omniprésent. Aujourd’hui je t’écris. Je mets mon cœur à nu. Tu vois, je n’ai plus peur. J’ai hissé les couleurs des audaces fécondes. Brisé tous les tabous avaleurs de silences. Les mots sont à la fois véhicules du partage et remèdes contre la dureté du monde. À l’affût des perceptions, il s’agit aussi de traquer la nouveauté, l’âme cachée des rues, des passants, une histoire que je capte d’un regard. Il n’y a pas d’illusion ici. Sophie sait que la solitude amie n’a qu’un luxe, privilège. Celui de se savoir dans une prison dorée, voulue, parfois rêvée, d’où l’on peut, sans vergogne, s’échapper à souhait. L’autre, l’ami, l’amant, même loin, est encore présence à incarner dans l’étoffe de son histoire. T’écrire encore un mot pour te dire n’oublie pas. S’il te plaît, attends-moi. Sache bien que, demain, où que je puisse aller, même si ça semble fou, je serai moi. Toi. Nous. Sophie Masson (1964-2006)

 

Sophie Masson, Les anges tranquilles, Le Chat qui tousse, 2008

12:10 Publié dans Chroniques

30/08/2008

DANS LA LUMIÈRE DES SAISONS

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Le silence est promesse de vie, et c’est pourquoi, à prendre conscience de celui qui règne ici, je me sens gagné par un profond bien-être, une confiance, le pressentiment que des heures pleines me seront accordées. De brusques embardées se produisent, et quelles fantastiques distances on se trouve parcourir à l’intérieur de soi en quelques secondes. Mystère de cet inconnu qui se présente et dont les changeants visages me conduisent de surprise en émerveillement.

Charles Juliet, Dans la lumière des saisons, P.O.L., 2005, p. 30

15:20 Publié dans La poésie des autres

27/08/2008

LES MOTS DU POÈME

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Les mots du poème sont sans armure

 

Les mots du poème creusent dans la terre

 

 

L’autre soir un papillon virevoltait autour de la lampe

 

Ses ailes étaient d’un bel orange presque fauve

 

L’ampoule projetait une lumière crue

 

 

Le matin j’ai retrouvé sa dépouille sur le carrelage

 

Il était plié tout droit dans son linceul

 

Comme si au fond il savait ce qui l’attendait

 

C’était d’un tel naturel…

 

 

Il ne bougeait plus bien sûr

 

J’aurais pu ne pas le voir

 

Fermées ses ailes étaient beiges

 

On aurait dit une petite pochette

 

De papier, une boîte à secrets

 

Dans laquelle l’on rangerait

 

Tous les mots que l’on ne dit pas

 

De peur de gêner ou d’offusquer.

 

08:00 Publié dans La poésie des autres

23/08/2008

EDELWEISS

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Il n’est pas d’espace

Plus haut

Où je puisse me trouver

Pas d’altitude

Plus éthérée

Où je puisse m’abreuver

Sans dire mot de plus

Juste mains offertes

mot racine

Edelweiss

Pour vous remercier



 

14:43 Publié dans La poésie des autres

21/08/2008

L'HEURE ATTENDUE

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C’est l’heure attendue

sur la table tombe

interminablement

la chevelure de la lampe

La nuit rend la fenêtre immense

Il n’y a personne

la présence sans nom m’entoure

Octavio Paz, Le feu de chaque jour, Poésie/Gallimard, p. 49

14:40 Publié dans La poésie des autres

19/08/2008

Á VOUS

Á vous, qui que vous soyez,
Croisés sur les bancs de l'école
Á quelque étape de ma vie
Soyez-en sûrs,
Je n'oublierai pas

Je n'oublierai pas
À quel point j'ai pu
Vous décontenancer
Vous irriter
Dans cette forme singulière
D'approche qui est la mienne
Et que je ne peux modifier

J'aurais voulu
- J'en ai rêvé -
Être comme vous
Entourée
Échangeant
Dialoguant

Au creux de ce coquillage
J'ai laissé mon empreinte
La mer ne m'a plus quittée

On ne choisit pas toujours
Parfois la vie choisit pour nous

On s'adapte, dans les sentiers perdus
On creuse son sillon
L'écume nous porte, nous rabat.


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21:50 Publié dans La poésie des autres

SANS LA MIETTE D'UN SON...

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Prends le rythme malicieux
Silence qui te fâche

Laisse le temps se plier
Sous ta dent


***


Entendre
Une seule fois

Un bruit bien trop loin
De ma musique

Scorpion magique

Je me pique
Bien trop seule

Dans mon étrange solitude

Je me quitte


***


Je piétine ma vie là
Obscure au fil du temps

Sans la miette d'un son

Je me cogne
Dans mon vacarme

Douleurs sans bruit...


Aurélie de la Selle, Sans la miette d'un son, Tarabuste, 2001

16:00 Publié dans La poésie des autres

17/08/2008

SONNET

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Pour ne pas être seul durant l’éternité,

Je cherche auprès de toi future compagnie

Pour quand, larmes sans yeux, nous jouerons à la vie

Et voudrons y loger notre fidélité.

 

Pour ne plus aspirer à l’hiver et l’été,

Ni mourir à nouveau de tant de nostalgie,

Il faut dès à présent labourer l’autre vie,

Y pousser nos grands bœufs enclins à s’arrêter,

 

Voir comment l’on pourrait remplacer les amis,

La France, le soleil, les enfants et les fruits,

Et se faire un beau jour d’une nuit coriace,

 

Regarder sans regard et toucher sans les doigts,

Se parler sans avoir de paroles ni voix,

Immobiles, changer un petit peu de place.

 

Jules Supervielle, La fable du monde, Poésie/Gallimard, p. 152

 

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22:15 Publié dans La poésie des autres