Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/09/2008

NAISSANCES

5d19b23a767f72378861617d572d55fa.jpg

 

Donc, sans fin, des enfants naissent, ça naît, ça y est…

Mais la naissance ne s’écrit pas davantage que l’écriture n’a de naissance. Rien qu’une échappée, un passage, comme ces mots qui nous traversent et coulent sur leurs galets d’émail, leurs lits de muqueuses, mais dont la source reste inaccessible, lointaine et toujours extérieure. Parfois, nous avons cru trouver les mots. Parfois, les mots se sont perdus. Jamais nous ne les aurons vus jaillir.

Miracle de la naissance : jusqu’au bout, je fus incapable d’imaginer l’enfant qui arrivait, et brutalement, c’est lui, unique et familier, c’est bien lui, cet être neuf que je palpe et à qui je parle en suant sang et eau pour passer ses bras blancs et mous dans les manches des premiers vêtements si petits.

Pierre Péju, Naissances, folio/Gallimard, p. 115

(photographie de couverture)

22:20 Publié dans La poésie des autres

14/09/2008

LANGAGE

c835732a27712365413026d2a918fbbe.jpg

 

Je te parlerai un langage de pierre

(tu réponds avec un monosyllabe vert)

Je te parlerai un langage de neige

(tu réponds avec un éventail d’abeilles)

Je te parlerai un langage d’eau

(tu réponds avec une pirogue d’éclairs)

Je te parlerai un langage de sang

(tu réponds avec une tour d’oiseaux)

Octavio Paz, Le feu de chaque jour, Poésie/Gallimard, p. 73

18:25 Publié dans La poésie des autres

12/09/2008

LE MUR SE CREUSE

b7fde90931a177ed89fdbd458a725d74.jpg

 

 

Le mur se creuse

Galerie souterraine

Un peu de terre chaque jour

À force de doigts gratter

Morceaux de verre d’émail de

porcelaine

Explorer la solitude la sonder

Habiter le silence l’intégrer

16:35 Publié dans La poésie des autres

10/09/2008

RIEN NE SERT DE PARLER SI FORT

Il me paraissait impossible de parler de ce livre, tant son contenu faisait résonance avec une blessure soigneusement cadenassée à l’intérieur de moi. Aurélie de la Selle parle du silence avec une telle acuité, une telle lucidité qu’il est difficile de ne pas ressentir dans sa propre chair cette prison de verre acéré qu’est l’absence totale de son. Comment se construire sans les repères habituels communs à la plupart des gens ? Comment vaincre l’incommunicabilité, le sentiment d’exclusion, tout en s’épanouissant dans la myriade d’émotions et de sensations à laquelle lui donne accès son hyper sensibilité ? Je grogne de mon destin. Pas aux normes. Je me réadapte jour après jour et parfois je craque. Il est dur de séduire sans oreilles, écrit-elle. Je me surveille du bout de vos lèvres, oubliant ce détour de la parole où tout ici repose. Relâcher l’oblique de vos visages croisés dans mon attente sans limites. C’est sans doute sa volonté immense de grandir qui a permis à Aurélie de la Selle de ne pas succomber au désespoir et de se battre, envers et contre tout, contre elle-même avant tout, pour trouver un semblant de sérénité. Je voudrais vous parler sans arrêt. Je ne peux entendre que moi dans ma souricière de solitude. Je meurs à petit feu de ne pouvoir m’exprimer. Trouver le mot juste pour faire briller votre impatience. Audace d’un sourire, quand trop souvent les gens n’aiment pas ce qui ne leur ressemble pas, poésie où trouver un soupçon d’apaisement, Rien ne sert de parler si fort se présente comme un aboutissement, au terme de longues et douloureuses années de combat.

Aurélie de la Selle, Rien ne sert de parler si fort, L’Harmattan, 2007

 

8a6e8cb02a4997b3dc0a0ec8bff1376f.jpg

 

18:35 Publié dans Chroniques

08/09/2008

DE LA VIE EN SURNOMBRE

ded050a256efdc261548d3d7271fd2e3.jpg

 

Vois, je vis. Mais de quoi ? Ni l’enfance, ni l’avenir

 

ne diminuent. De la vie en surnombre

 

me jaillit dans le cœur.

 

 

Rainer Maria Rilke - Lou Andreas-Salomé, Correspondance, Gallimard, p. 372

 

20:35 Publié dans La poésie des autres

03/09/2008

PAUSE...

30b2e7e3c8bb791537e3982d03c43a9d.jpg

19:09

02/09/2008

L'AMOUR EXTRÊME

ed8141e1a6e7082d5112db480de395a1.jpg

 

Épaule de plomb

 

paume légère,

 

 

j’ai porté ton cercueil

 

et caressé ton corps de cendre.

 

 

Une nuit de chacals aux yeux rouges

 

couvre la source de mes nuits.

 

 

Tu me condamnes à n’être plus

 

que par défi, indomptable

 

 

dis-tu, irréductible et pur,

 

mais sans rien à maudire.

 

 

 

André Velter, L’amour extrême, Gallimard, 2002, p. 9

18:55 Publié dans La poésie des autres

01/09/2008

ÉLÉPHANTS

c8c755f146c390c119a6f6113d73d7b2.jpg

 

Visage ancré dans la roche

Pillage de sédiments

Strates strates rictus d’années

Poli de l’arrondi mais au dos

Le petit d’éléphant contre sa mère

Sculptures vivantes chaos

Des grottes emplies de fougères

Où constituer une couche végétale

Le dur emplit le silence

Masses d’ombres sous les arbres

Se mettent en mouvement

Craquelures de la peau

Rugosité des plissures

 

5b471a2330e6fec9586b2ea07a9f0969.jpg

21:20 Publié dans La poésie des autres

LES ANGES TRANQUILLES

dad79cb0e91b835226eddf5b6ee4ec3b.jpg

Je ne connaissais pas Sophie Masson avant de lire le dossier que lui a consacré la revue Décharge dans son numéro 131. Vous que je voyais rire, aimer, danser, parler, chanter, vivre. (…) Et moi qui attendais… Sans oser respirer. Petite fleur sans pétales, sans parfum, sans lumière. (…) Les mots m’accompagnaient, tels des anges tranquilles veillant sur mon bonheur. Discret. Des mots à vivre, des mots pour vivre, quand, et ce n’est plus dévoiler un secret que de dire qu’elle était atteinte d’une terrible maladie (génétique ?) qui la crucifiait, petit corps déformé, sur un fauteuil roulant. Les mots sont ces anges tranquilles, compagnons d’une vie à tisser avec les fibres de l’imaginaire. Sans pathos, ni atermoiements. Sophie s’adresse à un double, ami lointain, omniprésent. Aujourd’hui je t’écris. Je mets mon cœur à nu. Tu vois, je n’ai plus peur. J’ai hissé les couleurs des audaces fécondes. Brisé tous les tabous avaleurs de silences. Les mots sont à la fois véhicules du partage et remèdes contre la dureté du monde. À l’affût des perceptions, il s’agit aussi de traquer la nouveauté, l’âme cachée des rues, des passants, une histoire que je capte d’un regard. Il n’y a pas d’illusion ici. Sophie sait que la solitude amie n’a qu’un luxe, privilège. Celui de se savoir dans une prison dorée, voulue, parfois rêvée, d’où l’on peut, sans vergogne, s’échapper à souhait. L’autre, l’ami, l’amant, même loin, est encore présence à incarner dans l’étoffe de son histoire. T’écrire encore un mot pour te dire n’oublie pas. S’il te plaît, attends-moi. Sache bien que, demain, où que je puisse aller, même si ça semble fou, je serai moi. Toi. Nous. Sophie Masson (1964-2006)

 

Sophie Masson, Les anges tranquilles, Le Chat qui tousse, 2008

12:10 Publié dans Chroniques

30/08/2008

DANS LA LUMIÈRE DES SAISONS

24f84886e40e46e4bf546f0146761ab6.jpg

 

Le silence est promesse de vie, et c’est pourquoi, à prendre conscience de celui qui règne ici, je me sens gagné par un profond bien-être, une confiance, le pressentiment que des heures pleines me seront accordées. De brusques embardées se produisent, et quelles fantastiques distances on se trouve parcourir à l’intérieur de soi en quelques secondes. Mystère de cet inconnu qui se présente et dont les changeants visages me conduisent de surprise en émerveillement.

Charles Juliet, Dans la lumière des saisons, P.O.L., 2005, p. 30

15:20 Publié dans La poésie des autres