17/09/2010
MATIÈRE DE LUMIÈRE

Ici parlait l’indicible
Je vivais dans un corps dédoublé
La mer derrière le verger
S’ouvrait comme une fenêtre
Sur le ciel des chemins
L’île est une langue
Porteuse précaire du possible
Dans ses limites abruptes et douces
Des trèfles de l’improbable
Je comptais les feuilles de bonheur
Les mots venaient du vent
Par les creux des arbres
Entre les pierres
De la traversée
D’une chair de silence
…
Heather Dohollau, Matière de lumière, Folle avoine, 1985
15:32 Publié dans La poésie des autres
03/09/2010
UN MONDE OUVERT
Mais quand je marche seul
sur les rochers ou les prés marins
c’est le silence qui s’illumine
et je ne pense ni à la culture
ni même à la subsistance
il n’est question
que d’aller plus loin au-dehors
toujours plus loin au-dehors
vers l’extrême ligne de lumière.
Kenneth White, Un monde ouvert, Poésie/Gallimard, 2007, p. 140
17:32 Publié dans La poésie des autres
30/07/2010
HYDRA
Dauphins, drapeaux, coups de canons.
La mer, si rude jadis à ton âme
Portait les navires multicolores, étincelants.
Se creusant, les balançant, toute bleue avec des ailes blanches.
La mer si rude jadis à ton âme
Et maintenant pleine de couleurs sous le soleil.
Voiles blanches, lumière, et les rames humides
Frappant comme sur un tambour une vague apaisée.
Georges Séféris, Poèmes 1933-1955, Poésie/Gallimard, 2009, p. 32
14:33 Publié dans La poésie des autres
16/07/2010
PREMIÈREMENT
Je te l’ai dit pour les nuages
Je te l’ai dit pour l’arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l’ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
Paul Éluard, J’ai un visage pour être aimé : choix de poèmes 1914-1951, 2009, p. 103
13:43 Publié dans La poésie des autres
01/07/2010
JARDIN DUNE
12:19 Publié dans La poésie des autres
21/06/2010
WUTHERING HEIGHTS
The horizons ring me like faggots,
Tilted and disparate, and always unstable.
Touched by a match, they might warm me,
And their fine lines singe
The air to orange
Before the distances they pin evaporate,
Weighting the pale sky with a solider colour.
But they only dissolve and dissolve
Like a series of promises, as I step forward.
Les horizons m’encerclent comme des fagots
Qui penchent, disparates, et pour toujours instables.
Il suffirait d’une allumette pour qu’ils me réchauffent
Et que leurs lignes fines
Rougissent l’air
Lestant le ciel pâle d’une couleur plus sûre,
Avant que les lointains qu’elles fixent ne s’évaporent.
Mais ils ne font que se dissoudre et se dissoudre
Comme une succession de promesses, à mesure que j’avance.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, Poésie/Gallimard, Édition bilingue, 2008, p. 30-31
07:39 Publié dans La poésie des autres
07/06/2010
ON NE DISCUTE PAS L'INFINI
Le présent recueil explore la finitude du corps, vécue dans la douleur ; corps assailli par les monstres, peut-être marins, avec lesquels il se heurte ; les nus, les échardes / dans les mains / progressent / sur la plaine ; […] les articulations se figent / les cartilages s’amincissent. Les monstres peuvent être ces charniers du monde sur lesquels la narratrice ferme les yeux, ou encore l’obscurantisme qui chavire dans l’effroi / des oiseaux nocturnes. La mort rôde : les guerres / se poursuivent / je suis / les méandres / du vent / il ne faut pas / me faire confiance. Et pourtant, de façon inattendue, surgit la lumière : jours de retour / les lèvres se portent / rouge vif / à la gare / maritime / le bateau pour la citadelle / est le même / qu’il y a cinq ans / je grelotte fin / dans mon pull. C’est là qu’intervient l’infini, lorsque le matin / est émerveillement / dans la virginité des trembles, et lorsque la clarté est façonnée par la patience de l’écriture : mais moi / je résiste / je façonne de la lumière / entre mes doigts. Ainsi le soleil s’infiltre entre les lattes du doute. Joie / au sang ancrée / quand tu / approches la main / du / rivage / il y ferait / bon vivre / sans le bruit / des chars. L’infini semble naître de la douleur même, lorsque celle-ci s’apaise, et que l’écriture / livrée au vent / recueill[e] / les étincelles. Alors le corps prolonge ses finitudes. L’eau / trouble / des jours instaure toujours le doute, de nouveau la mer se lève, les mouettes s’affolent, et pourtant c’est une vie de / vouloir vif / c’est une vie / de / voyages / in- / finis / naître / n’est pas / vain.
Emmanuelle Le Cam, On ne discute pas l’infini, Gros Textes, 2010
18:43 Publié dans Chroniques
24/05/2010
À L'ORIENT DE TOUT
À l’orient de tout, là où se souvient
La mer, l’orage a dispersé écailles
Des dragons, carapaces des tortues
Nous nous prosternons vers le pur silence
Régnant par-delà la terre exilée
À l’heure du soir, à l’orient de tout
Où se lève le vent de l’unique mémoire
François Cheng, À l’orient de tout, Poésie/Gallimard, 2005, p. 290
21:09 Publié dans La poésie des autres
10/05/2010
SAUVE
je te porte
comme une peau
je te tiens
comme une joie
qui s’est perdue
tu me fais lourd
et tu me fais belle
tu me fais deux
Valérie Harkness, Sauve, Polder n°146, avril 2010
Sur ce sujet, voir aussi le blog d’Yves Artufel : http://grostextes.over-blog.com/
21:41 Publié dans La poésie des autres
23/04/2010
ÉCHELLES
L’échelle rapproche du ciel par degrés, bien ancrée dans la terre. Entre la terre et le ciel, le feuillage des oiseaux, lieu des métamorphoses. Le bois de l’échelle vient de l’arbre, les mains et les jambes de l’homme font corps avec l’échelle. Comme le rameur fait corps avec la barque. Il s’y assoit comme dans sa maison, / Le toit retourné. La terre, le ciel, par où coule la source. Les maisons ne font pas la différence avec la terre. / Elles se remplissent de terre sans qu’on s’en doute, / Alors qu’une barque ne se remplit que de ciel. Dans la matière coule la lumière. La chaise d’ombre et de paille a le bois taillé dans les soupirs. L’escalier, lui, s’allie au temps. Encore du bois venu de l’arbre. La mer faute d’arbre / Se perd de marche en marche. Avec les jambes viennent le mouvement, la musique, les métamorphoses. L’arène devient une piste de cirque où danse une écuyère. Au centre du taureau, l’axe des solitudes, / Cause de la révolution des planètes, / Féconde les blés dressés à présent dans l’arène. Le vent est un chien à la peau de tambour, l’eau mi ange, mi bête est déchirée entre la chute et l’élévation. De l’essaim l’on passe à l’abeille. Et la main vrille. Enfermée dans la cage aux parfums, / L’entremetteuse fait du miel / Et, se débattant dans la gaine trop étroite, / Sème la foudre. Il s’agit sans doute du recueil le plus fluide d’Alain Wexler. Après Récifs (1985), Tables (1992) et Nœuds (2003), parus au Dé bleu, Échelles offre une nouvelle dimension, celle du mouvement perpétuel.
Alain Wexler, Échelles, Éditions Henry/Les écrits du nord, 2009
18:35 Publié dans Chroniques