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17/07/2008

LE SOLDAT MORT

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Je fais et défais le soir, la nuit distribue ses spectres, et de ma fenêtre voilée je me rêve descendant les jardins de la vieille église, je me situe régnant sur les pierres, je suis le soldat mort.

 

Olivier Deschizeaux, Le soldat mort, Rougerie, 2007, p. 9

 

Olivier Deschizeaux est un jeune poète lyonnais. Je l’avais rencontré très brièvement il y a quelques années, au moment de la sortie de son premier recueil de poèmes, La chambre close. Sa poésie porte le sceau de la nuit, du corps marqué au fer rouge, de la mort aussi, dans un univers familier, la ville, qui pourtant se transfigure par le biais du fantastique, du rêve. Le soldat mort est un recueil fort dans lequel l’auteur explore les tréfonds de l’obscur.

 

16:05 Publié dans La poésie des autres

15/07/2008

ÉCHELLES

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J’ai perdu mes repères et je ne me suis pas perdue. J’ai noué des foulards les uns aux autres, un de chaque couleur, et je me suis jetée dans le vide, depuis la fenêtre du sixième donnant sur la cour intérieure. J’ai atterri souplement sur le quai de la gare désertée en cette période estivale, une grosse berline gris métallisé paradait devant les voies du départ, aucun train n’est venu, mais je n’étais pas là pour ça. Je me suis souvenue que j’avais le droit d’exister, après tout, et je me suis demandé jusqu’où l’on pouvait se permettre d’être soi-même sans aller à l’encontre de l’autre, s’il y avait finalement des règles à respecter pour ne pas être plaqué par la glu du rejet, scotché comme un sparadrap contre le mur. Ce matin, j’ai décidé d’expérimenter et ça s’est mal passé. Je suis partie sans un adieu, j’ai pris la route. À pied.

15:00 Publié dans La poésie des autres

14/07/2008

IL N’EST PAS ÉTOILE

Il n’est pas étoile

 

ni inspiration prophétique

 

ni visage prosterné devant la lune

 

 

Le voici qui vient comme une lance païenne

 

dévastant la terre des lettres

 

répandant son sang

 

élevant vers le soleil ses blessures

 

 

Voyez-le revêtant la nudité des pierres

 

adressant sa prière aux cavernes

 

 

Voyez-le étreindre la terre légère

 

 

 

   
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J’adore cette pierre paisible

 

J’y ai vu mon visage dans ses veinures

 

J’y ai vu ma poésie perdue

 

 

 

Adonis, Chants de Mihyar le Damascène, Poésie/Gallimard, p. 42 et 63

 

20:25 Publié dans La poésie des autres

08/07/2008

NOUS VOUDRIONS

Nous voudrions emplir nos besaces de coques de châtaignes d’écorces de noix de mûres nos bras griffés noirs des vendanges les grains éclatant au fond de la cuve la fraîcheur des celliers quand dehors le raisin se désagrège encore de mûrir le vin aura la couleur d’une belle feuille d’automne chaude des derniers rayons nous marcherons à l’ombre des tilleuls chuchotant de peur de troubler la quiétude cet instant privilégié même les murs semblent pensifs nous oublierons nos petits tracas grands comme des maisons grandissant à l’intérieur de nous si faibles que nous sommes de les tenir à distance parce que c’est toujours nous le bleu marquant nos bras le violet sur la pommette c’est toujours nous quand l’autre est l’étranger celui que nous ne percevons pas nous avons mis des barrières entre nous afin que chaque souffrance reste intacte à l’intérieur de soi et ne coexiste pas avec celle de l’autre afin que le monde soit une nuée de petites bulles de souffrances détachées les unes des autres et qu’enfin en un essaim les moucherons s’élèvent dans la forêt alors que la fraîcheur tombe

08:10 Publié dans La poésie des autres

02/07/2008

SOUS-BOIS

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En ce lieu de feuilles

filtre la lumière

 

écorce palpite sève

 

Juste nous asseoir

 

et laisser le calme

infuser chacune

de nos parcelles

 

particules de vie

mêlées de terre et d’eau

 

montent du sol

à travers nous

 

tresses de légèreté

descendent sur nos têtes

 

se mêlent

à nos pensées

 

Cellules dansent

dans le sous-bois

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23:45 Publié dans La poésie des autres

30/06/2008

DENTELURES

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            dans la délimitation

            de l’infini

À portée de main

            la haute altitude

            le fracas des roches

            bleu où s’engouffrer

            jusqu’à la démesure

Sur le papier

            traces de sang

            d’un insecte

            pris au piège

            du rouleau compresseur

     

Le silex à la pointe

            des lances                                                    

            aiguise

            sa victoire

10:50 Publié dans La poésie des autres

26/06/2008

TOI QUI SAIS

Toi qui sais

Parle-nous de lilas

Ou de magnolias

Nous qui retenons les noms

Sans saisir la voie du don

De la sève qui gonfle en secret 

            chaque grappe chaque pétale

Toi qui sais

Apprends-nous à être

Pure couleur pure senteur

Rejoignant de cercle en cercle

Toutes couleurs toutes senteurs

            dans l’abandon à la résonance

Toi qui nous renvoies 

            à notre nom

Apprends-nous à être

Racine de l’oubli

            et fleurs de l’absence

 

 

François Cheng, À l’orient de tout, Poésie/Gallimard, 2005, p. 67-68

 

 

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20:25 Publié dans La poésie des autres

19/06/2008

OISEAU

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Pourquoi me tires-tu par

                        la manche

                        oiseau

                        abreuvée de nectar

                        j’observe les abeilles

                        voler des fils

                        pour leur reine

 

20:20 Publié dans La poésie des autres

18/06/2008

MON AMOUR EST UNE FORÊT

Mon amour n’est pas enclos

         je le vois comme un café

 

         tasse grande

         et madeleine 

 

         exhalaisons du passé

 

On se parle entre nous

 

                                pourquoi tu me réponds pas

                                 que caches-tu es-tu si grand

                                        que nous ne puissions nous voir ?

 

Mon amour est une forêt

         qui cache l’arbre.

 

 

 

 

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20:15 Publié dans La poésie des autres

17/06/2008

CABANE

Il est des mystères

Les rencontres en font partie

 

On se heurte à une haie

On s’empêtre

 

Fracas d’étoiles

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La foudre frappe

L’arbre de la clôture

 

L’arbre tombe

Le bois se brise

 

Délivre les cornes

Prises dans la clôture

 

Les tempes tressaillent

Le sang pulse

 

Ciel de plomb

Au-dessus du pré

 

Les gouttes s'abattent

 

On court jusqu’à la cabane

 

Reste de cendres

Banc défaillant

 

Sortir livre

De poèmes.

20:00 Publié dans La poésie des autres