24/05/2010
À L'ORIENT DE TOUT
À l’orient de tout, là où se souvient
La mer, l’orage a dispersé écailles
Des dragons, carapaces des tortues
Nous nous prosternons vers le pur silence
Régnant par-delà la terre exilée
À l’heure du soir, à l’orient de tout
Où se lève le vent de l’unique mémoire
François Cheng, À l’orient de tout, Poésie/Gallimard, 2005, p. 290
21:09 Publié dans La poésie des autres
10/05/2010
SAUVE
je te porte
comme une peau
je te tiens
comme une joie
qui s’est perdue
tu me fais lourd
et tu me fais belle
tu me fais deux
Valérie Harkness, Sauve, Polder n°146, avril 2010
Sur ce sujet, voir aussi le blog d’Yves Artufel : http://grostextes.over-blog.com/
21:41 Publié dans La poésie des autres
23/04/2010
ÉCHELLES
L’échelle rapproche du ciel par degrés, bien ancrée dans la terre. Entre la terre et le ciel, le feuillage des oiseaux, lieu des métamorphoses. Le bois de l’échelle vient de l’arbre, les mains et les jambes de l’homme font corps avec l’échelle. Comme le rameur fait corps avec la barque. Il s’y assoit comme dans sa maison, / Le toit retourné. La terre, le ciel, par où coule la source. Les maisons ne font pas la différence avec la terre. / Elles se remplissent de terre sans qu’on s’en doute, / Alors qu’une barque ne se remplit que de ciel. Dans la matière coule la lumière. La chaise d’ombre et de paille a le bois taillé dans les soupirs. L’escalier, lui, s’allie au temps. Encore du bois venu de l’arbre. La mer faute d’arbre / Se perd de marche en marche. Avec les jambes viennent le mouvement, la musique, les métamorphoses. L’arène devient une piste de cirque où danse une écuyère. Au centre du taureau, l’axe des solitudes, / Cause de la révolution des planètes, / Féconde les blés dressés à présent dans l’arène. Le vent est un chien à la peau de tambour, l’eau mi ange, mi bête est déchirée entre la chute et l’élévation. De l’essaim l’on passe à l’abeille. Et la main vrille. Enfermée dans la cage aux parfums, / L’entremetteuse fait du miel / Et, se débattant dans la gaine trop étroite, / Sème la foudre. Il s’agit sans doute du recueil le plus fluide d’Alain Wexler. Après Récifs (1985), Tables (1992) et Nœuds (2003), parus au Dé bleu, Échelles offre une nouvelle dimension, celle du mouvement perpétuel.
Alain Wexler, Échelles, Éditions Henry/Les écrits du nord, 2009
18:35 Publié dans Chroniques
10/04/2010
LE DEHORS ET LE DEDANS
n’est plus le père de la musique
depuis que la parole a fini d’avouer
qu’elle ne nous conduit qu’au silence
les gouttières pleurent
il fait noir et il pleut
Dans l’oubli des noms et des souvenirs
il reste quelque chose à dire
entre cette pluie et Celle qu’on attend
entre le sarcasme et le testament
entre les trois coups de l’horloge
et les deux battements du sang
Mais par où commencer
depuis que le midi du pré
refuse de dire pourquoi
nous ne comprenons la simplicité
que quand le cœur se brise
Nicolas Bouvier, Le dehors et le dedans, Points, 2007, p. 118-119
09:58 Publié dans La poésie des autres
26/03/2010
EXACTEMENT LÀ
Je est seul avec plein de nœuds en lui.
***
Ici Je n’en finit pas de panser ses plaies pense qu’il ne vaut pas même un bout de terre battu par les vents se dit qu’il ne doit pas penser ça mais ne peut pas faire autrement. Quand Je se regarde dans la glace maintenant ça occupe tout son esprit.
***
Je porte en lui tant de portes fermées claquées verrouillées au revoir merci pas le moment pas le temps pas maintenant. Ça en résonne encore dans ses oreilles.
***
Je voudrait ne plus se tromper autant si longtemps.
Jasmine Viguier, Exactement là, L’idée bleue, 2008, p. 48-51
20:05 Publié dans La poésie des autres
11/03/2010
LE SILENCE N'EST JAMAIS UN DÉSERT

La vie vient par vagues. C’est sans doute là la seule leçon de l’histoire. La joie vient par bloc tout comme le malheur ou les peines. Alors que le silence recouvre tout, depuis toujours. On a beau racler sous la terre, il n’en démord pas. On a beau marcher dans les ruines, c’est lui que l’on entend encore. Partout. Entre les herbes que l’été incendie. Entre les pierres que les vents déchirent. Il jette sur nous sa robe de neige, ses quatre saisons, ses litanies interminables. Il a foi en sa finitude.
Écrire, peut-être, est-ce une façon de vouloir en finir avec lui, de lui tordre le cou, de faire hurler les mots sur la page, de faire entrer le cri en leur chair car tel est leur destin, leur vocation. Car à quoi bon des mots d’où la vie serait absente, car à quoi bon des mots que nous nous contenterions d’enfermer dans nos livres, car à quoi bon des mots délivrés d’espérance ?
Joël Vernet, Le silence n’est jamais un désert, Lettres vives, 2000, p. 20
20:10 Publié dans La poésie des autres
01/03/2010
LA MAISON NATALE
Je m’éveillai, c’était la maison natale,
L’écume s’abattait sur le rocher,
Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague,
L’odeur de l’horizon de toutes parts,
Cendre, comme si les collines cachaient un feu
Qui ailleurs consumait un univers.
Je passai dans la véranda, la table était mise,
L’eau frappait les pieds de la table, le buffet.
Il fallait qu’elle entrât pourtant, la sans-visage
Que je savais qui secouait la porte
Du couloir, du côté de l’escalier sombre, mais en vain,
Si haute était déjà l’eau dans la salle.
Je tournais la poignée, qui résistait,
J’entendais presque les rumeurs de l’autre rive,
Ces rires des enfants dans l’herbe haute,
Ces jeux des autres, à jamais les autres, dans leur joie.
Yves Bonnefoy, Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2006, p. 83
22:13 Publié dans La poésie des autres
23/02/2010
IL Y A UN MYSTÈRE

De toute façon
Le voyage sera court
Tu n’étais pas faite
Pour les déplacements abusifs
Chaque pas avait son poids
De néant.
*
Au commencement
Fut un jardin
En friche
Quelques poteaux
Délimitaient son aire
Tu faisais déjeuner
L’invisible
Faute de réel.
*
Il y a un mystère dans les couleurs,
Face au matin, à la mort,
La lagune est d’un bleu de soie
Que les mouettes épousent doucement.
Dans la lente dérive vers les cyprès,
Les couleurs sont les passerelles secrètes,
Où va et vient le regard,
Dans son habitation d’ici.
Heather Dohollau, Seule enfance, Solaire, 1978
21:32 Publié dans La poésie des autres
05/02/2010
CE QUI MURMURE DE LOIN
20:00 Publié dans La poésie des autres
22/01/2010
LES YEUX SANS MESURE
L’homme ouvre les yeux et il traverse le ciel. Sa peau sous son front se soulève et recouvre le vide qui l’entoure. Comme si sa peau pouvait s’étirer si loin qu’elle en devenait transparente.
L’homme ouvre les yeux à la lumière et sa peau elle-même en devient voyante. Il voit par tous ses pores, par les plus infimes trous. Son corps n’est plus à sa taille réelle, il n’est plus d’une seule taille. Il voit et il est de toutes les tailles, il peut passer partout, de l’ouverture la plus infime à la plus infinie. Ses yeux qui se sont ouverts ont tout ouvert, ses paupières qui se sont soulevées l’ont soulevé de terre.
L’homme voit et il recouvre le vide qui l’entoure, il lui donne des contours, il trace dans le ciel une infinité de lignes d’horizon jusqu’où il fait voler son corps.
Jean-Luc Parant, Les yeux sans mesure, Fata Morgana, 2007, p. 41
13:50 Publié dans La poésie des autres











