07/03/2009
NOUS AVONS VU
Nous avons vu et vécu comment le gel
embrasse l’herbe la nuit,
comment la mer
mord toujours les mêmes baies.
Nous avons vu et vécu
ce que d’autres hommes abhorrent
et d’autres ignorent. Nous avons accepté
pieds nus la neige, les journées tristes
et interminables et nous seuls avons connu
la neige fondante entassée sur les meneaux
des fenêtres, le soleil traîné de force
au loin par le vent. Nous avons connu la lumière
du silence comme personne, nous avons ressenti comme
personne d’autre venir avec la nuit
l’amour des astres et mourir le cœur.
Ferruccio Brugnaro, Ils veulent nous enterrer !, trad. de l’italien par Béatrice Gaudy, Éditinter, 2007, p. 15
10:40 Publié dans La poésie des autres
26/02/2009
BOUGIES AVEC LES BOUGIES
Bougies avec les bougies, scintillances avec les scintillances, lueurs avec les lueurs.
Et ici en dessous, ceci : un œil,
dépareillé et clos,
frangeant de cils le Tard qu’on voyait poindre
sans être le soir.
Devant, le Non-connu, dont tu es l’hôte ici :
le chardon sans lumière
dont l’Obscur fait cadeau aux siens,
depuis le Lointain,
pour demeurer inoublié.
Et puis encore, ceci, porté disparu dans le Sourd :
la bouche,
pétrifiée et les crocs refermés sur des pierres,
hélée par la mer
qui toutes les années roule vers le haut ses glaces.
Paul Celan, Choix de poèmes, Poésie/Gallimard, 2007, p. 101
20:45 Publié dans La poésie des autres
19/02/2009
LES AVIONS
Les avions brillent si haut dans le bleu
que même les hirondelles ne peuvent les atteindre.
Toi tu les enfermerais bien
dans ta boîte à jouets
avec les lapins, les cubes et le renard qui parle.
Tu me les montres avec gravité
ce sont nos rêves qui passent
Je fais un vœu avant l’arrivée des nuages
Vivre jusqu’au blé jusqu’aux cèpes
Vivre jusqu’à Noël jusqu’à renaître
Mais il n’y a plus dans le ciel
qu’une traînée bleue qui s’élargit.
Laurent Bourdelas, Où l’océan devient piscine et chants d’oiseaux… 353ème Encres vives, 2007
22:45 Publié dans La poésie des autres
14/02/2009
À TANT MARCHER VERS LA LUMIÈRE
à tant marcher vers la lumière
tu vas vers le dernier verger
où cendre à la cime des roses
plus bleus les arbres noirs
tu vas vers le visage
pensif et qui retourne
sous le silence l’herbe
cueillie de l’autre rive
à trop marcher vers la lumière
on perd soi sens et lumière
au soir
Martine Broda, Éblouissements, Flammarion, 2003, p. 125
21:18 Publié dans La poésie des autres
25/01/2009
PETITE VIE
Tes yeux éclairent
tous les jours
par tous les temps
tes yeux reflètent la lumière du monde
par tous les temps
tes yeux renferment
les secrets de toutes les vies
ceux
que les grands vaisseaux emportent
au fond des mers
que la musique effleure
derrière les paupières closes
qu’un mot, un seul, peut évoquer
quand tout le reste est enfoui
qui sont des éclairs qui jaillissent
par tous les temps
tes yeux parlent
de la joie d’être réunis
et de l’infinie solitude
Valérie Harkness, Petite vie, Chloé des Lys éd., 2008, p. 63
18:37 Publié dans La poésie des autres
20/01/2009
STRUCTURE
22:40 Publié dans La poésie des autres
18/01/2009
CE QU'IL FAUT D'OR
C’est juste ce qu’il faut d’or pour attacher le jour à la nuit, cette ombre (ou ici cette lumière) qu’il faut que les choses portent l’une sur l’autre pour tenir toutes ensemble sans déchirure. C’est le travail de la terre endormie, une lampe qui ne sera pas éteinte avant que nous ne soyons passés.
Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes, nfr/Gallimard, 2002, p. 48
21:17 Publié dans La poésie des autres
16/01/2009
AUSSITÔT RÉVEILLÉE
Aussitôt réveillée, elle courait ouvrir les volets et voir au ciel s’il ferait beau ce soir. Oui, il ferait beau, et il y aurait une nuit chaude avec beaucoup d’étoiles qu’ils regarderaient ensemble, et il y aurait du rossignol qu’ils écouteraient ensemble, elle tout près de lui, comme la première nuit, et ensuite ils iraient, iraient se promener dans la forêt, se promener en se donnant le bras. Alors, elle se promenait dans sa chambre, un bras arrondi, pour savourer déjà. Ou bien, elle tournait le bouton de la radio, et si c’était une marche guerrière déversée de bon matin, elle défilait avec le régiment, la main à la tempe, en raide salut militaire, parce qu’il serait là ce soir, si grand, si svelte, ô son regard.
Albert Cohen, Belle du seigneur, nrf/Gallimard, 1995, p. 358
15:37 Publié dans La poésie des autres
13/01/2009
BEAUTÉ IRRÉELLE
21:20 Publié dans La poésie des autres
11/01/2009
LA PART MANQUANTE
De l’enfance vous ne gardez aucun souvenir. De l’enfance vous ne retenez qu’une maladie. C’est une maladie sans nom. Elle vous vient du ciel tournant d’automne. Elle vous vient de nulle part comme tout ce qui vous est proche. Avec elle revient le ciel plombé d’enfance : le manque de sens, l’absence de tout. L’histoire est toujours la même, mais il ne sert à rien de le savoir. Une lumière se détache du ciel vif. Elle descend sur le cœur qu’elle recouvre tout entier. Elle vous apprend votre disgrâce. Elle vous enseigne votre néant. Tout est là. Vous avez du silence, de l’espace et du temps. Vous avez tout ce qui fait l’agrément de la vie quand la vie manque. Tout est là, sauf vous. Vous appelez cela : la perte du goût.
Christian Bobin, La part manquante, folio/Gallimard, p. 87
20:42 Publié dans La poésie des autres












